Comment définir les compétences pour une vie démocratique ?

Afin de clarifier le concept complexe des compétences démocratiques, David Samuelson présente le terme suédois Folkbildning. Il le décrit comme un concept donnant à l’apprenant les clés pour comprendre la société, participer et organiser les événements et les discussions qui la constituent pour mieux les assimiler, afin que chacun puisse prendre une part active à la vie démocratique.

Angeliki Giannakopou ajoute que les processus émotionnels et sociaux doivent également être pris en compte lorsque l’on parle de démocratie. Elle souligne le caractère fondamental de l’accès aux processus démocratiques clés dans la préservation du « pouvoir au peuple » et insiste sur le fait que les citoyens doivent apprendre à utiliser leur voix sur la durée afin d’accroître les compétences démocratiques de l’ensemble de la société. 

Pour Licínio Lima, démocratie et éducation sont étroitement liées. Selon lui, sans dialogue, nous ne pouvons mettre en œuvre ni démocratie, ni citoyenneté active, lesquelles se traduisent par la mobilisation et le militantisme démocratique. Il considère qu’il est primordial d’apprendre la démocratie à travers la pratique de la citoyenneté démocratique et des formes démocratiques de prise de décision.

Penser vers l’avenir : les compétences pour un futur démocratique dans le contexte de l’apprentissage des adultes

Une fois ce concept de vie démocratique défini, Christin s’intéresse à l’identification des compétences qui s’avèreront essentielles à l’éducation des adultes et la formation tout au long de la vie.

Angeliki évoque l’environnement contemporain, largement influencé par les médias, qui présente de nombreuses opportunités mais également des dangers. David cite ensuite la possibilité de communiquer avec des personnes de même opinion au-delà des frontières géographiques comme un exemple d’aspect positif des réseaux sociaux. Il mentionne toutefois un inconvénient, et pas des moindres : ceux-ci constituent aussi une plateforme de choix pour les idées xénophobes et les théories du complot.

Angeliki rebondit sur ces propos : c’est pour cela que l’éducation aux médias se trouve selon elle en tête de liste des compétences démocratiques contemporaines car à l’avenir, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle exerceront probablement une influence toujours plus forte sur nos vies.

À cette liste s’ajoutent les compétences sociales et de transformation évoquées par Licínio, qui insiste sur la nécessité absolue d’être ouvert au changement pour être capable d’acquérir de nouvelles compétences.

« Parfois, nous devons désapprendre certaines choses [...] afin de libérer de l’espace pour d’autres apprentissages. »

Compétences de soutien à la démocratie : exemples de bonnes pratiques

Afin d’évoquer des degrés d’implication plus concrets, Christin demande à ses trois invités de présenter un exemple de bonne pratique constatée dans leurs pays respectifs qui promeut avec succès les compétences démocratiques.

Licínio explique qu’au Portugal, l’apprentissage et l’éducation des adultes sont étroitement liés au mouvement des communautés d’éducation populaire. Celles-ci permettent de se passer de cadres d’enseignement trop formalisés et facilitent ainsi le maintien du contact avec les apprenants.

Angeliki décrit la Grèce comme l’un des rares pays d’Europe présentant encore une forte cohésion sociale autour du militantisme politique et des exigences démocratiques.

« On voit des gens descendre dans la rue, verbaliser, apprendre les uns des autres. »

David, lui, cite l'initiative suédoise Folkbildning, dont le but est d'intégrer les réfugiés à la société suédoise. Ainsi, Folkbildning ne se contente pas d’offrir des cours de langue, mais aide également les réfugiés à exercer leurs droits démocratiques.

Les obstacles à surmonter pour promouvoir la vie démocratique

La conversation se poursuit en direction des obstacles potentiels qui doivent être surmontés afin de mieux développer des compétences pour la vie démocratique.

Licínio dénonce d'une part le manque de solidarité, et d’autre part le fait que la recherche de solutions aux problèmes structurels de la société incombe encore aux individus, alors que cette responsabilité devrait être collective. Il met l’accent sur le besoin de renforcer la solidarité et de déconstruire la rivalité et la compétitivité dans le contexte d’apprentissage et d’éducation des adultes.

David évoque ensuite le problème de la ségrégation des sociétés civiles ainsi que l'observation d’une recrudescence de la xénophobie en Suède, plus particulièrement dans un contexte d’augmentation des chiffres de l’immigration.

Angeliki partage ce constat sur les évolutions inquiétantes, particulièrement en ce qui concerne la ségrégation des communautés. Elle ajoute que c’est particulièrement le cas dans la communauté éducative, dont le fondement demeure le privilège de l’acquisition du savoir. Elle insiste sur le chemin qu'il reste à parcourir pour abolir les inégalités sociales et garantir à toutes et à tous une vie plus démocratique. Enfin, elle souligne l’importance de l’éducation aux médias précédemment évoquée ainsi que les dangers d'une consommation médiatique biaisée et unilatérale, qui empêche de surmonter ses idées préconçues.

Que doit faire l’UE pour favoriser le développement des compétences démocratiques ?

Alors que la discussion approche de son terme, Licínio met l’accent sur l’idée que la démocratisation de l’Union européenne elle-même devrait être considérée comme inachevée. Compte tenu des évolutions constantes au sein de l'UE et de ses États membres, il faut sans cesse repenser les compétences démocratiques et soutenir une approche ascendante.

« Nous devons souligner l’importance de l’apprentissage et de l’éducation des adultes en tant que processus d’émancipation démocratique, fondé sur des mouvements et des institutions citoyennes, et pas seulement sur des appareils formels et bureaucratiques. »

Outre l’encouragement des processus de démocratisation, David suggère que l’UE devrait davantage s’internationaliser. Dans cette optique, il mentionne le processus de Bologne comme un exemple de bonne pratique, car il donne aux individus l’opportunité de suivre leur éducation à l’étranger et ouvre la voie à des publications internationales.

Clôturant cette partie, Angeliki recommande de surmonter les déséquilibres au sein de l’UE en termes de privilèges, d’accès et de validité des voix et des revendications de toutes et de tous.

Consultez la transcription complète du podcast ici

Photo by Daniel Lloyd Blunk-Fernández on Unsplash