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Les Open Badges au service de la reconnaissance des savoir-faire comportementaux

Comment un projet a repensé l'usage des Open Badges pour reconnaître les savoir-faire comportementaux

Le projet NS4-SFC vise à concevoir des instruments pour développer et reconnaître la maîtrise des savoir-faire comportementaux (SFCs) des publics éloignés de l’emploi, peu ou pas qualifiés, précarisés, mais aussi des chercheurs d’emploi et adultes en formation professionnelle continue.

Le projet repose sur un inventaire de 27 SFCs portant le nom de « shopping list », un SFC-Lab pour accompagner leur développement et des Open Badges pour reconnaître leur acquisition.

L’idée implicite au moment de la rédaction du projet était que les Open Badges allaient couvrir chacun des 27 SFCs identifiés dans la shopping list, une sorte de référentiel informel des savoir-faire comportementaux. Il en est allé différemment et ce biller retrace les éléments de réflexion qui ont amené à repenser à la fois le nombre de badges, leur nature ainsi que leur mode de délivrance.

Reconnaissance et SFCs

Afin de poser le cadre du dispositif de reconnaissance des SFCs, une première question s’est posée aux partenaires du projet : quelle est la place de la reconnaissance par rapport aux SFCs ?

La reconnaissance est-elle :

  • Externe aux SFCs
  • Interne aux SFCs (une d’entre eux)
  • Sous-jacente aux SFCs (voire à toute compétence)

Selon le positionnement choisi, la configuration du projet ne serait pas la même :

  • Externe : les publics visés n’auraient pas besoin de développer la capacité de reconnaître, la reconnaissance des SFCs étant l’affaire de professionnels ayant à priori cette capacité (formatrices, accompagnateurs, conseillères, etc.)
  • Interne : reconnaître devrait être intégrée à la shopping list et reconnue au même titre que les autres SFCs. Cela signifie que pour que ce savoir-faire soit reconnu, les participants devraient avoir la possibilité de le pratiquer.
  • Sous-jacente : la capacité de reconnaître est activée pour chacun des SFCs (et au-delà). Cela signifie que la reconnaissance devrait être prise en compte dans le processus même d’acquisition et de reconnaissance des SFCs, par exemple avec la mise en place d’un processus favorisant la réflexivité et la reconnaissance entre pairs.

Poser la question du positionnement de la reconnaissance par rapport aux SFCs pose ainsi la question de la relation entre qui est reconnu et qui reconnaît, entre les « publics cibles » et les partenaires du projet et les encadrants : qui détient le « pouvoir de reconnaître »?

Reconnaissance et Open Badges

Un des objectifs du projet étant l’utilisation des Open Badges pour reconnaître les savoir-faire comportementaux, il était nécessaire de s’accorder sur la compréhension de la relation entre reconnaissance et Open Badges, ces derniers n’étant que des artefacts destinés à rendre visible une reconnaissance.

Les Open Badges ont été créés en 2011 par la Fondation Mozilla et la Fondation MacArthur dans le but de rendre visibles les apprentissages informels qui constituent la majorité des apprentissages au cours de la vie. Alors que les apprentissages formels et non-formels disposent de diplômes et certificats pour attester des acquis des apprenants, les apprentissages informels disposent désormais des Open Badges.

L'expérience des Open Badges nous a montré que, bien qu'ils aient été conçus pour mettre en lumière les apprentissages informels, ils sont également utiles pour rendre visibles les reconnaissances informelles — qui sont aux reconnaissances formelles ce que les apprentissages informels sont aux apprentissages formels.

La relation entre reconnaissance et Open Badge est celle d'un contenu, la reconnaissance, et d'un contenant, l'Open Badge. C'est pourquoi, à l'instar d'une enveloppe contenant une lettre, un Open Badge peut inclure aussi bien une reconnaissance informelle que formelle, par exemple un diplôme. L'enveloppe garantit que le contenu est authentique et n'a pas été modifié, ce qui fait des Open Badges une technologie de choix pour publier des données inaltérables et vérifiables (Verifiable Claims en anglais).

Il faut donc bien comprendre qu’un dispositif fondé sur les Open Badges est avant tout un dispositif de reconnaissance, où les badges servent à rendre visible, vérifiable et actionable cette reconnaissance. Ainsi lorsqu’on dit qu’un badge « reconnait [une compétence, une expérience, etc.] » il serait plus correct de dire qu’un badge « rend visible [une compétence, une expérience, etc.] », le badge n’étant que le véhicule qui permet à cette reconnaissance de voyager sans être altéré.

Les questions à se poser dans la conception d’un tel dispositif sont les suivantes :

  • Qu’est-ce qui est reconnu ?
  • Pourquoi ? Quels sont les effets attendus ?
  • Par qui ?
  • Selon quel processus et  quels critères ?

Reconnaissance et parties prenantes

Après la question de la place de la reconnaissance par rapport aux SFCs et celle de la fonction des Open Badges s’est posée celle de la place des différentes parties prenantes dans le processus de reconnaissance. 

Comme les Open Badges sont l’instrument choisi pour rendre visible cette reconnaissance, la question de la place des parties prenantes dans le processus de reconnaissance peut être reformulée par la question de leur place dans le processus de conception, d’attribution, de revendication, de validation et d’endossement des Open Badges :

  • De Badge pour qui ?
    • Les badges sont-ils uniquement à destination des « publics cibles » ou bien de toutes les parties prenantes ? 
  • Quelle est la place des « publics cibles » ?
    • Sont-ils uniquement les récepteurs des badges conçus par les partenaires du projet ou bien participent-ils à leur conception et leur attribution?

Ne concevoir les badges qu’à destination des « publics cibles » risque de conforter l’idée que les Open Badges ne seraient que des sortes de « diplômes pour les sans-diplômes », une reconnaissance pour celles et ceux qui n’en n’ont aucune ou si peu, une reconnaissance de seconde catégorie pour des citoyens de seconde classe.

Ce qui est posé est la question de l’asymétrie dans la relation participants-encadrants avec d’un côté les personnes qui devraient prouver qu’elles sont dignes de reconnaissance et de l’autre celles qui auraient le pouvoir de décider qu’elles en sont dignes— ou pas — et qui contrôlent les instruments techniques qui permettent de rendre visible cette reconnaissance.

Comme le champ d’action du projet est celui des savoir-faire comportementaux (SFC), la création d’un dispositif de reconnaissance asymétrique pourrait reposer le postulat que les formateurs sont à priori compétents, et donc n’ont pas besoin de badges pour prouver leur compétences, et que les publics cibles sont à priori incompétents, qu’ils n’ont rien à contribuer au dispositif, et ne seront reconnus compétents que lorsqu’ils auront réussi à prouver leur compétence sur la base de critères défini par des personnes qui n’ont pas à prouver qu’elles-mêmes les satisfont.

S’il est imaginable de mettre en œuvre des dispositifs socio-techniques facilitant la participation des « publics cibles » à leur propre reconnaissance, la complexité relative de la mise en œuvre des Open Badges limite les possibilités d’une authentique co-construction. Le choix d’une plate-forme Open Badge est le fait des concepteurs du dispositif, pas des participants, or celle-ci conditionne les processus de reconnaissance possibles ainsi que leur valorisation.

Si l’on part de la shopping list qui fait l’inventaire de 27 SFCs, faut-il envisager de créer 27 badges ? Combien de badges pour être reconnu compétent ? 3 ? 10 ? Et si on n’a pas certains badges, n’est-ce pas la preuve qu’on ne maîtrise pas ces SFCs ? Aussi, faudrait-il définir des niveaux de maîtrise des différentes SFCs ? Ce ne seraient pas 27 badges qu’il faudrait créer mais 3 ou 4 fois plus, selon le nombre de niveaux choisis.

Or ces choix, qui sont sans doute fondamentaux, ne sont à priori pas du ressort des participants. Ce sont des choix qui seront fait « pour » et non « avec » les « publics cibles ». Si l’intention initiale était celle d’une co-construction, « avec », les conditions initiales du dispositif sont devenues en réalité une co-construction « pour » les publics visés.

Pourtant, il existe une solution pour sortir de cette impasse en dépassant l’asymétrie inhérente à de nombreux dispositifs à destination des « publics » : poser le dispositif comme une communauté de pratique en construction dans laquelle encadrants comme « publics » sont partie prenantes et sont égaux en droit et en reconnaissance. C’est cette option qui a été choisie par le projet NS4-SFC (c.f. plus bas).

Reconnaissance et référentiels

Le projet NS4-SFC dispose d’une shopping list, un référentiel informel des savoir-faire comportementaux. S’est posée la question de savoir s’il ne serait pas nécessaire d’avoir un référentiel plus formel qui permettrait aux personnes en charge de l’évaluation des SFCs de disposer d’une liste de critères qui pourraient être utilisés dans le processus de validation de l’attribution des d’Open Badges.

Dans une approche compétence formalisée, il est généralement défini différents niveaux de compétence (le cadre européen des qualifications en a 8), avec des critères spécifiques pour chacun d’entre eux. Dans une échelle de 1 à 8, le niveau 1 n’est pas « moins compétent » que le niveau 2 ou 3, mais « 100% compétent » à son niveau. De même, un niveau 3 n’est pas une partie du niveau 4, un niveau 4 auquel il manquerait quelque chose. Ainsi, à chacun des niveaux, on peut définir des critères qui permettent de valider qu’on est compétent ou pas encore compétent — même avec  90% des critères satisfaits, on n’est pas encore compétent !

Serait-il possible de définir plusieurs niveaux de compétence pour chacun des SFCs identifiées dans la shopping list ? Et si c’était possible, serait-ce utile ?

En partant d’une shopping list de 27 savoir-faire comportementaux:

  • Faut-il créer 27 marques de reconnaissance (sous forme de badges numériques) ?
  • Faut-il définir des niveaux de maîtrise pour chacun d’eux et ainsi multiplier le nombre de marques de reconnaissance par trois ou quatre ?
  • Combien de SFCs faut-il valider pour être reconnu compétent ? 3 semble trop peu, 27 un objectif difficile à atteindre.
  • L’absence d’une marque de reconnaissance d’une des SFCs risque-t-elle d’être prise comme indice de « non compétence » ?

Le SFC « Je tranche - Capacité de trancher, de prendre une décision, face à un ensemble de faits » pourrait être définie en plusieurs niveaux de compétence, selon que les faits sont attendus ou inattendus, simples ou complexes :

  • Trancher sur la base de faits connus, prévisibles, attendus, simples à analyser …
  • Trancher sur la base de faits dont certains sont inconnus, imprévisibles, inattendus, complexes à analyser

On pourrait complexifier la chose en intégrant la dimension sociale de l’impact :

  • Trancher […] avec un impact personnel 
  • Trancher […] avec un impact sur les personnes proches (collègues, amis, famille,...)
  • Trancher […] avec un impact social fort

En combinant ces deux dimensions, ce ne sont plus 4 niveaux, mais 16, car on peut trancher sur la base de faits connus, prévisibles, attendus et simples à analyser avec un impact social fort. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour identifier, y compris dans un cadre familial, des situations où « trancher sur la base de faits connus, prévisibles » peut avoir un « fort impact social »  ! En ajoutant d’autres dimensions, la complexité s'accroît de façon exponentielle. 

L’alternative à la définition de niveaux serait de reconnaître qu’une pratique donnée combine des compétences de différents « niveaux » et qu’un référentiel de compétence, si bien conçu soit-il n’est qu’une représentation imparfaite de la réalité : « la carte n'est pas le territoire » nous dit  Alfred Korzybski, créateur de la sémantique générale. Ainsi, un référentiel de compétence est-il le plus souvent une représentation du travail prescrit, une représentation idéale, généralement fort différente du travail réel.

Pour le dire autrement : un référentiel de compétence n’est pas compétent. La compétence n’existe que lorsqu’elle est incarnée dans une personne qui la met en œuvre dans une pratique. L’authentique « référence » de la compétence, c’est la personne qui l’incarne.

En partant de ce constat, un référentiel de compétence formel des SFCs est-il un préalable à leur reconnaissance ? La shopping list, qui n’est qu’un référentiel informel, qui ne définit ni critères ni niveaux, serait-elle « améliorée » en y ajoutant critères et niveaux ? Amélioration pour qui ? Pour quoi ? Un référentiel formel faciliterait certainement le travail de validation qu’une personne est conforme à la norme définie par le référentiel. Mais est-ce ce que nous devons rechercher ? 

Si la réification consiste à considérer une idée, une pratique ou une abstraction comme une réalité concrète, c'est-à-dire la « matérialiser » ou la « fixer » sous une forme tangible, comment faire le chemin inverse, c’est-à-dire partir de cette matérialisation figée pour recréer le vivant qui lui a donné forme. Comment « dématérialiser » et « recontextualiser » le référentiel dans une entité vivante (hypostase).

Si un référentiel est la réification d’une pratique, alors sa dématérialisation serait possible par la construction de la communauté de pratique qui aurait pu être à son origine. C’est ce qui a été proposé et mis en œuvre dans le cadre de Next Step4-SFC.

La proposition a été de redéfinir le projet comme « construction d’une communauté de pratique sur la question des SFCs » dont la « pratique réifiée » serait initialement la shopping-list, ce référentiel informel des savoir-faire comportementaux produit lors d’un projet précédent.

La shopping list propose une définition du domaine des savoir-faire comportementaux en proposant un vocabulaire, des mots à mettre sur une pratique. Le processus de reconnaissance des savoir-faire comportementaux construit des relations entre ces mots, des personnes et leurs pratiques et en le faisant, construit le référentiel de la communauté de pratique, un référentiel dynamique et vivant.

Ainsi, si un référentiel [de compétence] est la formalisation de la reconnaissance d’une pratique [professionnelle], sa réification dans un document, on peut en conclure qu’il n’est nul besoin de référentiel pour reconnaître, que le processus de reconnaissance est lui-même producteur de référentiel

Cela ne signifie pas qu’un référentiel est inutile, mais qu’il n’est ni une condition nécessaire, ni suffisante pour créer un dispositif de reconnaissance. Avec un instrument comme la shopping list, nous disposons d’un outil parfaitement adapté pour amorcer un processus de reconnaissance producteur d’un référentiel vivant incarné dans des personnes. Et si la shopping list n’existait pas, cela ne prendrait pas longtemps à la communauté de pratique de la recréer pour formaliser le domaine de sa pratique.

Les Open Badges sont un instrument pratique pour capturer ces reconnaissances (les réifier) en faisant de chacun des membres de la communauté de pratique des « référents » des savoir-faire comportementaux.

Nous pouvons ainsi imaginer un « référentiel de compétences inversé » créé de façon ascendante, utilisant les données collectées et capturées dans des Open Badges au cours de multiples « parcours de reconnaissance ». Avec un référentiel inversé, on ne demande plus aux personnes (et aux badges) de s’aligner avec un référentiel pré-existant, mais à un référentiel dynamique de pointer vers la compétence, c'est-à-dire les personnes qui l’incarnent. 

NS4-SFC: une communauté de pratique

Une communauté de pratiques (CoP) est un groupe de personnes qui partagent un intérêt, une passion ou un domaine d'expertise commun et qui collaborent régulièrement pour approfondir leurs connaissances, partager des idées et améliorer leurs compétences. Les communautés de pratique peuvent être informelles ou formelles et exister dans divers contextes, tels que le milieu professionnel, associatif, etc.  

Quelques éléments clés d’une communauté de pratique :

  • Domaine commun: Les membres d'une communauté de pratique partagent un domaine d'intérêt commun autour duquel ils échangent des connaissances et des expériences.
  • Communauté: Les membres d'une CoP interagissent et collaborent régulièrement, créant ainsi un sentiment d'appartenance et un esprit de communauté. Ils se soutiennent mutuellement, partagent des idées et des ressources, et apprennent les uns des autres.
  • Pratique partagée: Les membres d'une CoP développent un ensemble de pratiques, d'outils, de techniques et de langages communs pour aborder les problèmes et les défis liés à leur domaine d'intérêt. Cette pratique partagée évolue avec le temps à mesure que les membres acquièrent de nouvelles connaissances et compétences.
  • Apprentissage informel: L'apprentissage au sein d'une CoP est d’abord informel et se produit par le biais d'échanges, de discussions, de mentorat et de la résolution de problèmes en commun.
  • Hétérogénéité des compétences: Les membres d'une CoP ont des niveaux d'expertise variés, allant des novices aux experts. Cette diversité permet un échange de connaissances et un apprentissage mutuel, favorisant le développement professionnel et personnel de chacun.

En somme, une communauté de pratique est définie par un domaine d'intérêt commun, un engagement, des pratiques partagées et un apprentissage informel continu. Pour Etienne Wenger, ce qui définit une communauté de pratique est l’apprentissage, la création de sens et l'identité (learning, meaning, identity)

Penser le projet NS4-SFC comme une communauté de pratique (en construction) offre de nombreux avantages :

  • Réduction de l'asymétrie: partenaires du projet, formateurs et « publics » participent à une même communauté
  • La reconnaissance est intrinsèque à la communauté de pratique qui s’organise naturellement autour de niveaux d’expertise reconnus
  • Les badges rendent compte de cette reconnaissance de façon organique
  • Le sentiment d’appartenance à une communauté est une forme de reconnaissance mutuelle qui est mobilisatrice
  • La reconnaissance de la communauté contribue à la reconnaissance de ses membres, et réciproquement
  • Reste à définir quelle est la “pratique” qui caractérise cette communauté: NS4-SFC se définit comme une communauté de pratique qui explore la problématique des SFCs :
  • C’est quoi ? Comment ça se définit ?
  • A quoi ça sert ?
  • Comment ça se développe ?
  • Comment ça se reconnaît ? (ce qui ramène à la première question !)

Afin de rendre visible le chemin qui conduit de la périphérie de la communauté (les apprentis)  à son centre (les experts), le projet s’appuie sur une « matrice de maturité » de la pratique des SFCs :

  • Je découvre
  • J’explore
  • J’intègre [dans ma pratique]
  • J’accompagne 

Penser en termes de communauté permet réduire l’écueil de l’asymétrie entre le nous (les encadrantes) et eux (les participants) à celui d’une progression où les participants sont potentiellement de futurs encadrants, et pas simplement des collecteurs de badges.

Quels Open Badges pour les SFCs ?

Poser la question « quels Open Badges pour les SFCs ? » dépend du cadre dans lequel elle est posée. 

Si le cadre est un dispositif de formation, voire de certification, la tendance naturelle sera de créer autant de badges qu’il y a de SFCs, voire regrouper certaines dans un même badge pour en réduire le nombre, éventuellement proposer des badges de plusieurs niveaux. L’objectif de certification a besoin d’une norme et les badges auront pour mission de rendre visible cette norme.

En revanche, si le cadre est celui d’une communauté de pratique, l’objectif n’est pas de forcer les participants de s’aligner sur une norme statique, mais de reconnaître leur position au sein de la communauté. Et pour cela il n’est pas nécessaire de définir des dizaines de badges, mais simplement des badges qui positionnent les membres les uns par rapport aux autres.

Nous sommes donc parti de la « matrice de maturité » mentionnée plus haut pour définir quatre postures en rapport avec la maîtrise des savoir-faire comportementaux :

  • Je découvre : ça m’intéresse et j’aimerais en savoir un peu plus sur le sujet ;
  • J’explore : je mets en œuvre mes SFCs de façon consciente et je réfléchis sur la façon dont je le fais et pourrais les développer ;
  • J’intègre [dans mes pratiques]: je connais mes forces et faiblesses et je mets en œuvre mes SFCs dans mes pratiques pour m’adapter au contexte et/ou adapter le contexte ;
  • J’accompagne : je développe des outils et/ou pratiques pour aider les membres de ma communauté de pratique à prendre conscience et maîtriser leurs SFCs.

Avec 4 badges qui reconnaissent les différents « postures » des membres de la communauté de pratique nous pouvons initialement nous affranchir des 27 badges implicitement imaginés à partir de la shopping list. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura aucun badge faisant explicitement référence à des éléments de la shopping list, mais que c’est un point qui pourra être décidé avec et par les « publics », la reconnaissance par la communauté de pratique de sa « posture » étant déjà une forme de reconnaissance opposable à un employeur potentiel. Au-delà de la valeur potentielle pour un futur employeur, un tel badge a une valeur immédiate en renforçant l’estime de soi et en développant un sentiment d’appartenance à une communauté dans laquelle il est possible de progresser.

En posant comme fondations du dispositif de reconnaissance quatre postures structurantes de la communauté de pratique, nous évitons le piège de poser l’individu comme une somme d’attributs (ici les SFCs) et du modèle « déficitaire » où à la présomption de compétence est substituée par celle de l’incompétence : « si tu n’as pas le badge, c’est que tu n’es pas compétent ».

La reconnaissance des SFCs ne se fait pas SFC par SFC, ni par groupes de SFC, car un savoir faire comportemental n’existe pas indépendamment des pratiques dans lesquelles il est mis en oeuvre. La reconnaissance d’une pratique précède nécessairement celle d’une compétence, pratique qui met aussi nécessairement en œuvre plusieurs compétences.

Ainsi, on reconnaît :

  • Une personne [qui s’engage dans les pratiques], puis
  • Une pratique [qui mobilise des compétences], puis
  • Des compétences [qui mobilisent savoirs, savoir-faire techniques et non-techniques (SFCs) ainsi que des valeurs, un élément trop souvent ignoré]

Ainsi, pour la posture j’intègre dans ma pratique, ce qui est reconnu c’est la capacité d’articulation des différentes SFCs pour soi et en relation avec les autres participants à une communauté de pratique : ainsi, avoir conscience de ses faiblesses est la condition pour faire appel à d’autres pour qui c’est une force: quelqu’un peut être conscient de son manque de capacité d’initiative personnelle et s’appuyer sur une personne qui l’aurait pour l’aider à prendre des initiatives à un moment où elle sent qu’il faut prendre une initiative mais ne sait pas laquelle. Il est ainsi possible qu’une pratique demandant une capacité d’initiative personnelle soit réussie par une personne n’en n’ayant pas, mais 1) sachant qu’elle a du mal à prendre des initiatives 2) connaissant une personne aimant prendre des initiative, elles déterminent ensemble les initiatives possibles et comment choisir la meilleure.

Ainsi, la posture j’intègre est plus que la simple maîtrise de telle ou telle SFC mais, conscient de ses forces et faiblesses, la capacité d’agir en mettant en œuvre de façon stratégique ses savoir faire comportementaux pour s’adapter et/ou adapter son environnement d’action.Construire la communauté de pratique des SFCs

Les compétences comportementales (SFCs) n’existent pas en dehors des pratiques sociales et professionnelles qui conditionnent leur développement. Celles-ci sont nombreuses et diverses et on peut affirmer sans grand risque de se tromper qu’un même intitulé de savoir-faire comportemental ne s’exprime pas de la même façon dans des pratiques différentes : la « prise de décision » n’est pas la même pour un footballeur ou un boulanger.

Peut-on dès lors définir une communauté de pratique des savoir-faire comportementaux ? Probablement pas, en revanche il est possible de définir « une communauté de pratique de réflexion sur les SFCs » sur l’importance qu’on leur accorde, sur ce qui facilite leur développement et leur mobilisation dans différents contextes. Une communauté de pratique davantage centrée sur le pourquoi et le comment que sur le quoi.

Créer un environnement qui permet d'impliquer les « publics cibles » dans cette réflexion, considérer les participants comme des personnes qui nous pouvons apprendre, sont des valeurs socles sur lesquelles le projet NS4-SFC se développe. La simple demande d’un badge « je découvre les SFCs » est le point d’entrée dans la communauté de pratique [de réflexion sur] les SFCs. Le badge « je pratique les SFCs » est un instrument utile pour cartographier les différentes pratiques mises en œuvre ainsi que leurs porteurs.

Avec les Open Badges, nous disposons d’un instrument de choix pour « co-construire ce référentiel inversé » en rendant visible la compétence, c’est-à-dire les personnes qui l’incarnent et la communauté de pratique dans laquelle elles participent.

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