Les métiers de la transition écologique : des opportunités pour tous les citoyens ?


« Un million d’emplois supplémentaires net d'ici 2030 et deux millions d’emplois supplémentaires d'ici 2050 » : c’est, selon les projections de la Commission européenne, ce à quoi pourrait aboutir le Pacte vert, une stratégie formulée en 2019 au début du mandat de l’actuelle Commission européenne, « pour transformer l’Union européenne en une économie moderne, efficace dans l’utilisation de ses ressources » et neutre en émissions carbone d’ici à 2050. L’enjeu de cette transition qui concerne « tous les secteurs économiques » est de « ne laisser aucune région ni personne de côté », explique Tim Van-Rie, représentant de la DG Emploi de la Commission européenne lors de la webconférence EPALE intitulée « Les métiers de la transition écologique - des opportunités pour tous les citoyens ? »
Emplois et transition écologique : quelle voie vers une neutralité climatique en 2050 ?
Cette tendance ne sera pas uniforme. D’ici à 2050, expose-t-il, certains secteurs connaîtront une baisse de l’emploi - ceux notamment « de l’activité minière, de la production d’énergie fossile ou la production automobile » - quand d’autres verront au contraire des créations d’emploi, comme « les secteurs de la construction, de l’économie circulaire, la maintenance de produits ou certains services de proximité ». La transition aura aussi des effets majeurs sur des métiers existants, avec des besoins de compétences nouvelles. Ainsi, pour accompagner cette évolution, l’Union européenne met à disposition des moyens financiers, notamment via la Facilité pour la reprise et la résilience, le Fonds social européen (FSE), ou encore Erasmus+. Elle met aussi à disposition un appui technique favorisant les échanges de bonnes pratiques.
The Shift Project, laboratoire d’idées autour des questions d’énergie et de climat a aussi travaillé sur les effets de la transition écologique sur l’emploi. Le laboratoire d'idées a réalisé un « plan de transformation de l’économie française » avec des propositions pour respecter une trajectoire à +2 °C en 2050 « dans des secteurs clé comme l’agriculture, la construction et les déplacements », explique Damien Amichaud, qui y travaille comme chef de projet. « Nous avons décliné ces propositions sur les métiers et compétences avec une étude sur quatre millions d’emplois les plus concernés par la transition écologique », poursuit-il. Résultat : « pour 800 000 emplois détruits, 1,3 million seront créés ».
Ainsi, dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation, « il y a beaucoup à faire pour réduire l’utilisation des machines, des produits phytosanitaires et des engrais, pour être capable de déployer plus largement l’agroécologie et transformer les produits de façon plus locale », explique-t-il. Ailleurs, dans l’industrie automobile, « l’électrification des usages aura un impact sur les emplois ». Mais l’expert invite à « envisager la mobilité comme un tout, dans une vision systémique » en prenant par exemple en compte l’industrie du vélo qui « représente un gisement de 230 000 emplois ». Aussi Damien Amichaud invite-t-il à « ne pas subir » ces évolutions, en s’appuyant sur la formation « initiale et continue ».
Plus d'informations sur le site du The Shift Project
Comment définir les métiers et les emplois de la transition écologique ?
Comprendre plus finement l’évolution de ces métiers et les compétences qu’ils requièrent, c’est le rôle de l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte, créé en 2010 sous le pilotage du service des statistiques du ministère de la transition écologique. « Nous avons défini une approche pour déterminer les métiers dits verts et les métiers verdissants qui sont amenés à évoluer pour intégrer la dimension environnementale et nous avons retranscrit ces définitions dans les différentes nomenclatures statistiques », explique Sophie Margontier, chargée de mission économie verte, métiers, formations au Ministère de la Transition écologique et solidaire
Les métiers « verts et verdissants » ont ainsi été évalués à « 4 millions d’emplois ». À ce titre, 140 000 emplois sont considérés comme des métiers verts, ce qui représente 0,5 % des emplois totaux.
Les métiers verts sont définis comme des métiers « dont la finalité et/ou les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser, corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement ». Ils sont constitués principalement des métiers de :
- la production et la distribution d’énergie et d’eau (41 %) ;
- l’assainissement et du traitement des déchets (31 %) ;
- la protection de la nature et de l’environnement (23 %).
Les métiers verdissants sont eux constitués d’une diversité de secteurs et de métiers dont :
- 37 % dans le bâtiment ;
- 20 % dans l’industrie ;
- 20 % dans les transports ;
- et, dans une part plus restreinte, les métiers de la recherche et du développement, de l’agriculture et de la sylviculture, du tourisme et de l’animation et les achats.
Or, poursuit Sophie Margontier, « 71 % de ces métiers connaissent des difficultés de recrutement, à commencer par les métiers du bâtiment ». En cause : des problèmes liés aux conditions de travail, une inadéquation géographique entre les besoins et la disponibilité de main-d’œuvre. Autre obstacle à prendre en compte, « plus de 80 % des emplois sont occupés par des hommes dans les métiers de l’assainissement et du bâtiment ». Certains secteurs à l’inverse rencontrent peu de difficultés de recrutement : « les professionnels de l’animation socioculturelle, les jardiniers salariés, les agents de laboratoires, les chercheurs et les ouvriers de l’assainissement et du traitement des déchets ». La formation figure parmi les facteurs qui expliquent les tensions, poursuit-elle, pointant « un enjeu sur la mise en place de compétences adaptées au bassin d’emploi ».
Précisément, c’est à cette adéquation des compétences et du bassin d’emploi que travaille Ludovic Bertrand, directeur du Réseau des Carif-Oref, qui mène une expérimentation en ce sens en Centre-Val de Loire, en Pays de la Loire et en Normandie. « Les bassins d’emplois ont tous des secteurs plus ou moins forts et des spécificités », explique-t-il, invitant à « s’interroger sur la nature homogène ou non de la transition écologique sur l’intégralité du territoire ». Ainsi, illustre-t-il, « cette transition est-elle la même dans les cultures céréalières de la Beauce et dans les régions de maraîchage ou d’élevage bovin ? » « Les métiers ont des réalités très différentes d’un territoire à un autre, c’est ce que l’on essaie de creuser avec cette expérimentation territoriale », poursuit-il.
Cette démarche a pour objectif « de répondre à la difficulté de trouver la compétence adéquate sur un territoire donné » et de faire en sorte que l’uniformisation des compétences au niveau national n’aboutisse pas à la disparition de certaines d’entre elles, moins courantes mais toujours utiles. Il invite ainsi à ne pas reproduire l’erreur constatée « dans les métiers de l’usinage où certaines entreprises continuent à utiliser un tour conventionnel, alors que les compétences se sont uniquement développées à destination des tours à commande numériques ».
Trois exemples de formation à des métiers de la transition écologique pour des publics vulnérables
Compagnonnage en maraîchage agroécologique pour les réfugiés en France et en Europe. François Parsy, Fermes d’Avenir :
« L’association Fermes d’avenir a été créée en 2013 pour soutenir le développement de l’agroécologie en France via :
- du partage de ressources entre fermes agroécologiques ;
- l’accompagnement de porteurs de projets ;
- et la formation.
C’est dans ce dernier cadre que s’inscrit le programme compagnonnage qui est une formation immersive et itinérante, pour apprendre le métier de maraîcher agroécologique, la gestion d’une ferme, etc.. 30 compagnons sont formés chaque année, dont une dizaine de personnes réfugiées qui ont envie de conduire un projet en agroécologie en France - la plupart se forment aux métiers de type salarié agricole ou, pour ceux qui ont le plus de facilités, notamment linguistiques, chef de culture. Fermes d'avenir met en oeuvre un partenariat Erasmus+ avec quatre organisations contenant des formations très différentes en France, en Italie et en Belgique. Ils bénéficient d'environ 100 000€ sur presque 3 ans pour faire du partage d’expériences. Fermes d' Avenir est la seule organisation à faire du compagnonnage avec un public de réfugiés ce qui intéresse beaucoup ses partenaires européens. »
En savoir plus sur le programme de compagnonnage de Fermes d'Avenir
Le modèle des Écoles européennes de la transition écologique (ETRE) pour remobiliser les jeunes en rupture scolaire. Frédéric Mathis, fondation ETRE :
« La Fondation Être a été créée en 2004 à un moment où la transition écologique arrivait très fort dans le débat public. À l’époque, je travaillais dans un foyer de jeunes et nous voulions engager ces jeunes pour qu’ils deviennent ambassadeurs de la transition. Mais quand j’allais en parler dans les quartiers, la préoccupation de la fin du mois primait sur celle de la fin du monde… J’ai donc eu l’idée d’embarquer des groupes de jeunes sur le terrain pour leur faire découvrir les métiers de la transition écologique. Nous avons construit des programmes de formation de plus en plus long, jusqu’au diplôme. Et nous avons créé l’école de la transition écologique - il en existe aujourd’hui 10 en France : nous partons de la pratique, qui permet de constater qu’on peut faire des choses utiles et concrètes et avoir des résultats en une journée et que cette réussite peut contribuer à un projet qui nous dépasse, la transition écologique. De cette pratique on passe ensuite à la théorie - et non l’inverse.
Nous participons à un projet Erasmus+ qui nous permet à la fois d’accueillir des jeunes, et d’en envoyer dans d’autres pays pour découvrir des métiers de la transition écologique. Ce projet permet aussi de constituer avec d’autres structures un réseau européen d’écoles de la transition écologique pour faciliter les échanges. »
Pour en savoir plus sur la Fondation Etre
L’écologie urbaine pour l’insertion professionnelle de publics éloignés de l’emploi. Stéphane Berdoulet, association Halage :
« L’association Halage a été fondée il y a presque 30 ans à L’Île-Saint-Denis, une ville-île au milieu de la Seine à 10 minutes en transports du centre de Paris qui compte 8 000 habitants et 86 nationalités. Sa création entend répondre à deux indignations : le chômage, qui atteint 35 % chez les jeunes, et un cadre de vie dégradée. L’association compte 140 salariés dont 95 en parcours d’insertion inscrits au chômage que nous accompagnons et formons. Les activités historiques d’Halage sont l’entretien d’espaces vert et un centre de formation avec l’ambition de favoriser la nature en ville. Nous avons récupéré une friche de 3,6 hectares de sols pollués en milieu urbain dense, et nous avons fait le pari de redonner vie à ce sol et de rouvrir le lieu au public en créant un parc avec des activités de loisirs, de rencontre avec l’art, et des activités productives. C’est aujourd’hui la plus grande ferme florale du grand Paris. Nous proposons une fleur responsable produite en pleine terre sans produits phytosanitaires et nous avons développé une filière de substrats fertiles en redonnant vie aux terres excavées. Enfin nous avons créé la société Les Alchimistes, autour de la collecte et du compostage de déchets organiques et de couches de bébé, une activité qui crée de boucles de proximité et de l’emploi.

Crédit photo Mathieu Delmestre
Avec le programme Erasmus+, nous avons créé un collectif de partenaires qui ont des points communs, en Italie, en Suède, etc. : cela nous permet de voir que ce que nous faisons de manière quasi naturelle avec notre asso est nouveau ailleurs, et vice versa. Halage existe dans un territoire donné à un moment donné mais nous pouvons transférer nos savoirs. »
Pour en savoir plus sur l'association Halage et ses activités
Inclusion et transition écologique, deux priorités Erasmus+
« La webconférence EPALE - Les métiers de la transition écologique : des opportunités pour tous les citoyens ? - est à l'intersection de deux priorités importantes du programme Erasmus +: l’inclusion et la transition écologique », déclare son directeur par intérim, Sébastien Thierry. « La première priorité, l’inclusion, se traduit par des incitatifs dans le programme pour que les personnes les plus éloignées des expériences Erasmus + puissent en bénéficier. La seconde priorité, la transition écologique, pas forcément naturelle pour un programme qui favorise la mobilité se traduit par une incitation au recours, lorsque c’est possible, à des moyens de transport moins émissifs comme le train, par la contribution à la prise de conscience des questions soulevées par le réchauffement climatique en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, et par le développement des compétences nécessaires notamment via des stages dans des endroits où la transition a déjà un rôle à jouer ». L’Agence Erasmus+ / Education Formation a déposé une candidature pour devenir un centre de ressources européen autour des questions de transition écologique.
Pour en savoir plus sur le programme Erasmus+
EPALE et la transition écologique
L'équipe EPALE France organise des actions pour sensibiliser à différents volets de la transition écologique. En 2021, une webconférence sur la sobriété numérique intitulé « la formation pour (ré)concilier numérique et transition écologique » avait été organisée. C'est dans cette continuité que l’équipe EPALE France a organisé fin juin la deuxième webconférence sur les métiers et les emplois émergents de la transition écologique notamment pour les publics vulnérables. Inscrivez-vous sur EPALE pour avoir accès à l'intégralité des contenus, du réseau EPALE et des fonctionnalités. C'est gratuit et sans publicité.
REPLAY de la webconférence
Le replay de la webconférence est disponible ici