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Konk Ar Lab : fabriquer et apprendre ensemble : un Fab Lab au service de tous

Le Fab Lab Konk Ar Lab porté par Concarneau Cornouaille Agglomération, situé dans un quartier prioritaire politique de la ville (Kérandon), cherche à mobiliser une grande variété de publics autour de projets de réalisation multiples. Olivier Audet, Chargé de son développement, le définit ainsi : "C’est un lieu pour fabriquer et apprendre ensemble, un atelier partagé pour tester des idées, concevoir et construire. C’est d’abord un lieu ouvert à tous pour des projets utiles à tous." 

 

Si les Tiers Lieux sont à la mode et que l’on cherche à leur faire jouer de multiples rôles dans la ville, ils sont par nature singuliers, adaptés à leur environnement, et ils n’existent et ne se développent que s’il sont porteurs de réponses à des problématiques nécessairement localisées. Vouloir les dupliquer n’a pas toujours beaucoup de sens. Mais cette singularité, cette plasticité nécessaire, ne nous empêchent pas de chercher des principes de fonctionnement qui vont au delà des contextes, qui tendent à une forme d’universalité. Ainsi chercher à en comprendre les enjeux et leurs apports permet de construire et tester des hypothèses en terme d’inclusion, de citoyenneté et de solidarité. Le Fab Lab Konk Ar Lab porté par Concarneau Cornouaille Agglomération, situé dans un quartier prioritaire politique de la ville (Kérandon), cherche à mobiliser une grande variété de publics autour de projets de réalisation multiples. Olivier Audet, Chargé de son développement, le définit ainsi : "C’est un lieu pour fabriquer et apprendre ensemble, un atelier partagé pour tester des idées, concevoir et construire. C’est d’abord un lieu ouvert à tous pour des projets utiles à tous." Cet  atelier de fabrication numérique, espace collaboratif de travail, est porté par différents acteurs (habitants, associations, entreprises, personnes ressources…) et l’association qui le fait vivre a déjà de très nombreux adhérents. Bénéficiant d’un financement de la Fondation de France au regard de son objectif d’inclusion, cette expérience s’appuie sur plusieurs constats dans les rapports avec le public et dans la difficulté à le mobiliser sur des prestations ou des dispositifs trop centrés sur ses difficultés ou trop exigeants. L’analyse réalisée amène à identifier un faisceau de facteurs. Certains sont essentiels à prendre en compte notamment le sentiment de décalage que peuvent éprouver les personnes entre leurs préoccupations quotidiennes et les propositions qui peuvent leur être faites. Par ailleurs, ces personnes peuvent parfois chercher une forme retrait qui ne facilite pas des démarches coopératives nécessitant une implication (parler de soi ne va pas de soi). Par ailleurs, le manque de confiance dans ses propres compétences apparaît aussi à la fois comme une cause de retrait mais également comme un levier de mobilisation.

 

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Construire ensemble

C’est justement là où l’action avec d’autres (qui n’ont d’autres liens avec soi que le projet envisagé), permettant de concevoir, apprendre, bricoler devient une expérience par définition mobilisatrice. Elle va surtout modifier durablement le rapport à l’action et à l’avenir. D’ailleurs, un groupe de jeunes du dispositif Garantie jeunes, habitant différentes villes du CCA et  accompagné par la Mission locale du Pays de Cornouaille (dans le cadre d’une expérimentation), s’y est impliqué dans des réalisations techniques très sophistiquées. Un signe : ils ont voulu terminer le projet même en dehors du dispositif. Qu’apprenons-nous collectivement de ces expériences ? D’abord, les questions d’inclusion convoquent toujours le rapport à soi, à l’environnement et au futur. Il est donc important de construire des ingénieries dans lesquelles ces trois paramètres sont en travail mais sans doute de manière moins directe, moins contrainte, en laissant aux acteurs et aux occasions la possibilité d’exister. S’agissant d’un public particulièrement éloigné des codes de l’accès à l’emploi, nous pouvons observer de multiples effets : contribuer à développer du lien social dans des environnements où le retrait et la solitude peuvent accroître les difficultés d’insertion ; développer de nouvelles compétences techniques et sociales par « le faire » (s’initier au numérique et apprendre à utiliser des outils et des machines, collaborer dans la construction de projets). Ces compétences sont développées parce qu’elles sont nécessaires au projet et non parce que c’est dans un programme. Et cela de permet à chacun de contribuer à des projets dans un environnement facilitant et bienveillant. 

Des leviers de mobilisation indirects

Sur ce point, un certain nombre de paramètres sont éclairement identifiés : pas trop de contraintes à priori ; l’intérêt se développe en agissant ; la fabrication est au cœur du processus. Il y a nécessité, comme l’explique Hélène Guiziou, conseillère à la Mission Locale du Pays de Cornouaille, de créer un « effet de surprise ».« S’il y a méfiance à priori, permettre de tester des choses est un enjeu en terme de mobilisation».   Partir est possible, donc s’investir devient naturel mais non obligatoire. La dimension communautaire et éphémère est centrale. Ce qui fait sens, c’est l’action collective orientée vers un but commun. Un objectif qui, une fois atteint, produira une fierté ce qui fait que le climat est également essentiel : convivialité, plaisir, persévérance dans les efforts partagés. Cela modifie également la relation à l’apprentissage et à la formation (apprentissage informel dans la construction de projets : on apprend parce que la nécessité de construire impose la compréhension de certaines matières). Il n’y a pas de chronologie imposée par un expert dans les apprentissages. C’est la fabrication qui impose les savoir-faire nécessaires et l’apprentissage se fait en situation. Cela permet d’intégrer un certain nombre de « soft skills », de se remobiliser, d’acquérir des compétences de manière incidente, occasionnelle sans que le côté formatif soit ni imposé, ni préalable, ni scolaire.  Cela permet également aux participants de découvrir et investir la position d’acteur et de contributeur : reprendre du contrôle sur son temps, ses engagements, sa vie, faciliter la clarification de priorités, de choix pour soi. Chacun vient et peut amener ses ressources. Il n’y a pas nécessairement de statuts, d’âges ou de hiérarchie. Il y a un dialogue qui peut s’instaurer à partir de l’objectif à atteindre, du résultat attendu…Plus largement, on perçoit dans ces expériences coopératives ce qu’elles peuvent faciliter en terme d’inclusion sociale, à un moment ou le désinvestissement, la désaffiliation et le non recours au droit augmentent. Faire évoluer le regard sur soi, sur les autres et sur l’avenir, reprendre confiance dans sa capacité à agir, découvrir les autres comme ressources, se découvrir comme ressource et contributeur. Et cela peut permettre également de voir le futur de manière plus optimiste. Mais plus largement, et les entretiens menés avec les jeunes le confirment, cela peut permettre d’identifier d’autres perspectives professionnelles, d’ouvrir à d’autres métiers, de découvrir d’autres environnements, d'imaginer d’autres hypothèses d’évolution. Hélène Guiziou poursuit : « Ce qu’ils ont vécu au FabLab a pu leur donner confiance, confiance dans les autres. Cela les a projeté dans une dynamique qu’ils ne soupçonnaient pas vraiment, ne sachant pas s’ils allaient y trouver un intérêt, s’ils allaient supporter les contraintes. » Mais également sortir de son réseau de proximité pour s’ouvrir à d’autres environnements, acteurs, ressources et des solutions d’insertion accessibles par l’activation des nouveaux réseaux, par le contact avec d’autres environnements, par le développement d’une curiosité à d’autres possibles. 

En somme, la participation aux projets d’un Fab Lab permet aux personnes d’orienter leurs efforts dans un projet précis, délimité dans le temps, qui permet de réaliser des objets visibles, dont ils peuvent être fiers…une étape dans la reconstruction d’un pouvoir d’agir. On peut alors parler de situation capacitante ou d’environnement capacitant (Falzon, 2005) en lien avec les travaux de Sen (Sen, 2000) qui l’intègre à sa théorie des capabilités. Même le Fab Lab est encore jeune, les projets sont multiples et ils ouvrent des perspectives qu’il s’agit de faciliter et d’analyser car on y perçoit une autre manière d’y construire des situation solidaires et apprenantes où chacun peut contribuer et trouver un place au service du bien commun.

https://www.konkarlab.bzh


[1]Konk Ar Lab, Fab Lab à Concarneau

 

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 André CHAUVET est consultant formateur dans les domaines du conseil en évolution professionnelle et de l'accomapgenment des parcours. Il est également coordinateur thématique EPALE France pour le thème des transitions professionnelles. 

 

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