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Récit d’un accompagnement AFEST chez ENEDIS

A partir de 2013, Enedis (le gestionnaire du réseau public d’électricité en France) a expérimenté et puis déployé à grande échelle l’action de formation en situation de travail. Dans le cadre de mon doctorat en sciences de l’éducation, j’ai notamment eu l’occasion d’observer un accompagnement AFEST dans l’entreprise et d’interviewer l’apprenant juste après…

A partir de 2013, Enedis (le gestionnaire du réseau public d’électricité en France) a expérimenté et puis déployé à grande échelle l’action de formation en situation de travail. Dans le cadre de mon doctorat en sciences de l’éducation, j’ai notamment eu l’occasion d’observer un accompagnement AFEST dans l’entreprise et d’interviewer l’apprenant juste après…

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Enedis a pour mission de gérer le réseau public d’électricité sur 95% du territoire français continental. L’entreprise comprend 39 000 salariés environ.

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Au sein d’Enedis, le rôle des techniciens d’intervention réseau (aujourd’hui appelé « techniciens d’intervention polyvalents) est d’entretenir, dépanner et de développer le réseau. Au vu des caractéristiques du métier (citées dans la slide), c’est un métier où la capacité à analyser la situation est déterminante.

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Au vu des 4 défis cités ci-dessus, il a été décidé dans l’entreprise d’expérimenter, puis déployer « la Professionnalisation en situation de travail » à grande échelle. (La « professionnalisation en situation de travail) est l’expression adoptée en interne pour désigner l’AFEST)

 

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Enedis a formalisé la PST de la façon suivante :


La vocation des accompagnements PST n’est pas d’évaluer mais d’aider l’apprenant à progresser.


Le compagnon est un collègue de l’apprenant sans relation hiérarchique avec lui. Il est reconnu par son expertise métier et son sens de la pédagogie. Il est désigné par son manager pour réaliser des accompagnements « PST » et est volontaire pour cela.


Au coeur de l’accompagnement PST, il y a « la mise en situation observée », c’est-à-dire que l’apprenant travaille en situation réelle sous le regard attentif du compagnon. Celui-ci n’intervient pas sauf si une erreur grave est sur le point d’être commise. Ensuite, vient « le débrief » : le rôle du compagnon est de questionner l’apprenant de façon à ce qu’il se rende compte par lui-même de ce qu’il maîtrise et de ce qu’il ne maîtrise pas encore. Pendant ces 2 phases, le manager est absent.


En amont et en aval des accompagnements « PST », il y a un entretien avec le manager, l’apprenant et le compagnon. En amont, il s’agit d’identifier des objectifs de progression des accompagnements ainsi que de planifier les accompagnements PST. En aval, il s’agit de faire un bilan.

 

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Les 3 acteurs dont on va parler sont très investis dans le dispositif PST. Pendant l’accompagnement PST, Maxime (le manager) est comme prévu absent. Il n’intervient qu’en amont et en aval.

 

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L’accompagnement PST observé porte sur un raccordement de groupe électrogène.

 

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Pendant le chantier, le compagnon est intervenu une fois auprès du chargé de travaux (le responsable de l’intervention) pour demander à ce que ce soit Hervé (l’apprenant) qui ascensionne le poteau et qui réalise donc le raccordement du groupe électrogène (la partie « délicate » de l’intervention).
De façon globale, Hervé a réalisé une très bonne intervention : il a pris des initiatives (balisage, préparation du matériel,…) ; il a écouté les instructions & conseils de ses collègues quand il a éprouvé des difficultés en haut du poteau. Il a aussi bien réalisé les contrôles pour gérer le risque électrique.

 

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Hervé a commis une seule erreur. Elle concerne son assujettissement en haut du poteau. Au lieu de mettre sa « cravate » (en rouge sur la photo) à hauteur de sa tête, il l’a laissée au niveau de ses pieds. Conséquence : s’il glisse, la hauteur chute sera plus importante.


Pendant le débrief, via le questionnement du compagnon, Hervé revient tour à tour


 sur une difficulté éprouvée au haut du poteau,
 sur ses contrôles en matière de risque électrique.


Un temps long sera accordé à l’assujettissement. Le compagnon questionne Hervé pour l’aider à revivre ce qu’il a fait précisément. Il le questionne également pour le faire réfléchir sur les conséquences de son assujettissement. Finalement, le compagnon va lui donner des explications sur le comportement qu’il aurait fallu adopter. Le compagnon conclut le débrief en disant à Hervé qu’il a fait une très bonne intervention : « il a pris des initiatives, il a écouté les conseils, posé des questions ».

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De l’entretien de recherche mené à l’issue de l’accompagnement PST, il ressort qu’Hervé apprécie être accompagné en PST pour au moins 3 raisons :


- il a l’impression « qu’on s’occupe de lui » ;
- à l’issue de l’accompagnement, il sait « ce qu’il fait bien et ce qu’il fait mal » ; autrement dit, l’accompagnement l’aide à s’auto-positionner ;
- à l’issue de l’accompagnement, il comprend qu’au bout de 9 mois, « il est sur la bonne voie ».


En termes d’apprentissages, il en cite de nombreux : la prochaine fois, il saura faire face à la difficulté technique éprouvée en haut du poteau ; il est maintenant certain qu’il adopte le bon comportement/raisonnement en matière de risque électrique ; il a compris quel est le bon comportement à adopter en matière d’assujettissement…

 

 

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Le rôle du formateur AFEST (chez Enedis, « le compagnon ») est aussi de créer des opportunités. On le voit clairement dans l’accompagnement raconté. Le compagnon intercède auprès du chargé de travaux pour faire en sorte que ce soit bien l’apprenant qui réalise le raccordement. Sans cette intervention, l’apprenant serait probablement resté au sol dans la mesure où il était le moins expérimenté.

 

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La confiance… ou plus précisément le « sentiment de sécurité psychologique » est un ingrédient clé de l’AFEST. Il s’agit de veiller à ce que l’apprenant se sente à l’aise pour poser des questions, tâtonner, faire des remarques, qu’il ne craigne pas que le compagnon (ou d’autres personnes) le considère comme perturbateur, négatif, incompétent ou bête.
A l’issue des accompagnements AFEST, les apprenants se sentent souvent « plus en confiance » pour réaliser l’intervention sur laquelle ils ont été accompagnés. Autrement dit, leur sentiment d’efficacité personnelle (cf. les travaux de Bandura) est renforcé. Ils ont « davantage le sentiment qu’ils peuvent réussir à réaliser l’intervention par leurs propres moyens ». Or, Bandura montre qu’un sentiment d’efficacité personnelle élevé va de pair avec la performance, une persistance plus grande face à l’échec…

Frédérique GERARD, responsable de projets à Entreprise&Personnel et docteur en sciences de l’éducation. fgerard@entreprise-personnel.com

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