Nous sommes tous voisins : les maisons de quartier et leur fonction d'animation et d'éducation

[Traduction : EPALE France]
Initialement publié en polonais par Monika Hausman-Pniewska
Une guerre fait rage de l’autre côté de la frontière polonaise, la pandémie de Covid-19 fait des victimes depuis plus de deux ans, nous commençons à ressentir les effets du changement climatique et, pour couronner le tout, nous sommes de plus en plus sujets aux sentiments de peur et de méfiance. Notre réalité constitue un défi pour les acteurs de la scène socioculturelle. Ils ont besoin de nouveaux outils pour remodeler et redéfinir le monde. Les maisons de quartiers seront-elles la solution à ces obstacles ? Après tout, nous sommes tous plus ou moins voisins.
Les premières maisons de quartier
Le concept de centres communautaires, également appelés maisons de quartier, remonte au XIXe siècle. Il est né à Londres, après la révolution industrielle, lorsqu’une vague de nouveaux habitants, et main-d'œuvre bon marché, a commencé à s’installer en ville. Samuel Barnett et sa femme, Henrietta, ont été les pionniers de ce mouvement. Ils étaient à la tête d’une paroisse dans l'un des quartiers les plus défavorisés de Londres. Ils ont mis en place des aides, des écoles du soir et une offre culturelle pour les habitants. Rapidement, les Barnett ont bénéficié du soutien d'Arnold Toynbee, un professeur d'université qui pensait que les étudiants devaient s'installer dans les zones défavorisées pour vivre et coopérer avec leurs communautés locales. C'est alors que sont nés les centres communautaires offrant des services éducatifs, culturels, sportifs, sociaux et récréatifs, entre autres. Les plus anciens centres de ce type ont été fondés en 1884 (Toynbee Hall, Aston-Mansfield et Oxford House), fruits d’une étroite collaboration avec des universitaires, notamment des sociologues impliqués dans des recherches qualitatives et quantitatives sur les problèmes et les besoins des communautés locales. Cette idée a également voyagé jusqu’aux États-Unis, où elle a été popularisée par Stanton Coit et Jane Adams, entre autres (centres communautaires à New York et Chicago). Au moment où la Grande Guerre éclate, 400 centres de ce type avaient été fondés aux États-Unis. Au début du XXe siècle, des maisons de quartier ont été établies en Hollande, en Allemagne, en Autriche et en Russie. Ce mouvement a été à l'origine de nombreuses initiatives et innovations en matière de politique sociale. Son objectif ? Améliorer les conditions de vie des membres les plus exclus de la société.
Plus qu’une infrastructure, une philosophie d'action
Une maison de quartier est un lieu créé par les habitants. Les centres communautaires modernes ne perpétuent pas la tradition de sédentarisation en leur sein, mais se concentrent toujours sur la construction d'un capital social basé sur la confiance, la réciprocité et le respect. L’objectif est toujours de créer une communauté dans laquelle il n'y a pas de barrières culturelles, économiques ou sociales. Il s'agit de lieux dans lesquels les habitants sont impliqués dans des activités visant à améliorer la situation de leur communauté. Ces centres sont ouverts à tous et ne ciblent pas un âge ou un groupe social particulier. Ce sont des lieux de rencontre pour les familles avec enfants, les jeunes adultes, les adolescents et les personnes âgées, les personnes de tous horizons, de différents niveaux d'éducation et de différents statuts financiers, dont les besoins et les ressources varient. Vous pouvez y rencontrer vos voisins et des militants, vous impliquer dans des initiatives locales, mettre en œuvre vos idées, participer à des ateliers, des réunions ouvertes et des événements culturels ou simplement prendre une tasse de café, lire la presse locale ou jouer à des jeux de société.
PACA 40 Varsovie
Le centre communautaire, géré par l'association CAL - Centre for Supporting Local Activity, dans le quartier de Grochów à Varsovie, fonctionne selon le principe de réciprocité : celui qui reçoit, donne. Si vous buvez une tasse de thé ou de café mis à disposition dans la cuisine, vous achetez du sucre pour les autres. Si vous participez à des activités gratuites, vous rendez un service aux autres. Par exemple, vous aidez l'instructeur à préparer et nettoyer la salle, ou organisez vous-même une activité. Vous ne savez pas vraiment ce que vous pouvez faire ? Venez nous voir, nous y réfléchirons tous ensemble.
Le centre communautaire PACA 40 participe au développement solide et actif de la communauté locale en faveur de l’intégration, et pour lui permettre de faire des choix éclairés sur des questions importantes. Il s'agit d'un lieu destiné aux habitants, aux militants, aux groupes informels et aux organisations non gouvernementales, qui peuvent utiliser librement l'espace et organiser des ateliers et des cours d'éducation à but non lucratif pour les habitants de Praga Południe.
Selon l'idée de l'association CAL - Centre for Supporting Local Activity, le travail d'animation est l'élément clé de chaque activité dans les zones publiques, et les communautés locales sont toujours à l’origine des changements sociaux. Tout cela est le fruit de l’implication humaine. « Venez découvrir la force de la communauté ! » : c’est la devise de CAL, qui est actuellement témoin de cette force dans une petite maison de quartier dans le district de Wola, à Varsovie.
Welcome Haven à Orunia (Gdańsk)
Depuis 2010, la Fondation pour les innovations sociales de Gdańsk gère la maison de quartier Orunia, dans le bâtiment de l'ancien oratoire, qui appartient aux salésiens. Ces derniers offrent à la Fondation un lieu pour accueillir ses activités en faveur de la communauté. À son apogée, sa fonction était similaire à ce qu'elle est aujourd'hui : les habitants d'Orunia s'y retrouvaient pour passer du temps ensemble.
La maison de quartier Welcome Haven est un lieu ouvert, prônant la diversité des personnes et des activités, et libérant le potentiel de la communauté locale de Gdańsk Orunia. Des personnes de toute génération se retrouvent à la maison de quartier Welcome Haven. Elle est divisée en différentes salles : le club pour enfants, le salon communautaire, le club pour adolescents et jeunes adultes et le club pour citoyens séniors. La maison de quartier Welcome Haven permet aux habitants de vivre leurs passions, de prendre part à des groupes d'entraide, de passer du temps ensemble, de participer à des ateliers et à des cours de développement des compétences et de profiter d’un cybercafé gratuit.
La maison de quartier Welcome Haven est également le centre de la démocratie locale. Elle accueille des débats et des rencontres d'habitants sur l’aménagement du territoire et les sujets qu’ils jugent importants concernant leur quartier. C'est également le siège du Conseil de l’immobilier et le bureau des conseillers de la ville de Gdańsk.
Yew House à Elbląg
C'est la plus récente de toutes les maisons mentionnées dans cet article. Elle a ouvert en 2019 pour combiner les fonctions de maison de quartier, d'épicerie sociale et d'ateliers animés dans le cadre d'un programme mis en œuvre par le Centre d'intégration sociale (CIS) dans le quartier d'Elbląg de Zawodzie. Avant la guerre, elle abritait une usine de fabrication de savon, puis un atelier de tailleur de pierre. Après la guerre, elle a servi de local et d’entrepôt pour des entreprises de tapisserie. Grâce aux efforts de l'association ESWIP, le bâtiment délabré a été reconstruit brique par brique et a retrouvé sa gloire d'antan. Il a également changé de fonction et est devenu un lieu d'activités communautaires.
« Le but n’est pas d’être enfermés entre quatre murs, nous faisons en sorte de proposer nos initiatives à l’ensemble du quartier. Nous voulons embellir les choses et en prendre soin pour rendre la vie à Zawodzie plus agréable » déclarent les animateurs socioculturels.
Le rez-de-chaussée du bâtiment abrite le « Yew Social Shop » (épicerie sociale de Yew), composé de trois zones : la zone Targes.pl , qui vend des spécialités de la région de Warmie et de Mazurie ; la zone caritative, qui reverse les bénéfices de ses ventes aux personnes les plus démunies ; et la zone Second Hand (seconde main), qui donne une nouvelle vie aux objets donnés par les habitants. On y retrouve aussi le Yew Café, où on peut profiter de la magnifique vue panoramique sur la rivière Elbląg tout en savourant un café et une part de gâteau.
Le premier étage du bâtiment est occupé par la Maison de quartier, un lieu de rencontre fréquenté par les habitants de Zawodzie, et par le siège du Centre d'intégration sociale. La structure abrite également les ateliers de tailleur et de menuisier dont nous avons parlé, qui ont notamment pour but de rénover les articles apportés par les clients. Enfin, au dernier étage se trouve la Yew Hostel, une auberge de jeunesse qui dispose de cinq chambres à thème et d'une cuisine commune.
Le rôle éducatif des maisons de quartier
Dans les centres communautaires, l'éducation revêt une importance capitale, même si elle n'est pas toujours dispensée sous forme d'ateliers et de cours. En participant à l'aménagement de la maison de quartier et à la préparation des programmes d'activités, chacun apprend à partager ses ressources de manière habile, à considérer les besoins de tous les participants, y compris ceux des personnes âgées ou en situation de handicap. L’utilisation d'un espace partagé permet d’enseigner la tolérance, la communication, la résolution des conflits, la confiance dans la coopération, l'empathie et bien d'autres compétences clés de la vie quotidienne.
Par ailleurs, l’établissement organise un large éventail de cours non formels (ateliers, clubs de discussion, séminaires, etc.), qui abordent les questions d'éducation civique et culturelle et les sujets liés à la création d'un emploi et d'une entreprise, à l'éducation verte, à l'apprentissage des langues ou aux nouvelles technologies, et ce en fonction des besoins et capacités des personnes identifiés au préalable.
Aujourd'hui, alors que nous avons accueilli des millions de réfugiés de guerre ukrainiens, les espaces d'activités partagés tels que les maisons de quartier peuvent offrir un réel soutien et contribuer à l'intégration des citoyens des deux pays.
Dans cet article, j'ai utilisé en guise de référence :
- Le « Model Domu Sąsiedzkiego » (modèle de maison de quartier) publié par la Fondation pour l'innovation sociale de Gdańsk
- Mes propres connaissances des maisons de quartier en question et les sites Internet de l'association EWSIP, de la Fondation pour l'innovation sociale de Gdańsk et de l'Assiciation CAL (Centre for Supporting Local Activity).
Monika Hausman-Pniewska – formatrice en compétences sociales, éducatrice, superviseuse et animatrice sociale. Pendant de nombreuses années, elle a pris part aux actions d’organisations non gouvernementales. Elle entretient des liens étroits avec la Fédération FOSa, où elle travaille et gère une équipe créative de plusieurs dizaines de personnes. Elle se concentre sur l'éducation des adultes, le soutien holistique des femmes et hommes leaders dans leurs domaines, le développement et le changement organisationnels. Elle a participé à la mise en œuvre d'innovations destinées aux personnes âgées et aux personnes en situation de pauvreté et d'exclusion. Elle est également journaliste et membre du comité de rédaction du magazine pour personnes âgées Generacja. Enfin, elle est ambassadrice EPALE.
Pour en savoir plus :
Petits pas, grands changements. Animation sociale pour l'économisation rurale