La compétence culturelle, un levier de réflexivité pour le cadre-formateur en institut de formation en soins infirmiers


La compétence culturelle, un levier de réflexivité pour le cadre-formateur en filière infirmerie
« La dimension culturelle dans les soins, c’est prendre en considération la culture du patient afin de personnaliser et adapter les soins au regard de cette culture afin de ne pas aller à l’encontre des pratiques. » (étudiante en soins infirmiers L3, 25 ans)
« Ce sont les représentations d'une personne à prendre en compte lors des soins. Elle dépend des origines, des perceptions sociales ou encore des expériences. Elle fait partie de l'identité de la personne. » (étudiante en soins infirmiers L3, 21 ans)
Entretien Madame Aurélie Tschaban, cadre de santé formateur, filière infirmière, Institut de Formations Paramédicales du Havre (76)
Bonjour Madame Tschaban, la question de l’interculturel, de l’interculturalité et des compétences interculturelles est de plus en plus présente. De part votre parcours, vos travaux ou les projets menés, j’aimerais en savoir plus et faire partager votre expérience sur ces dimensions interculturelles.
Ces thèmes sont importants pour les professionnels et acteurs de l’éducation, de la formation et du soin qui se retrouvent sur la plateforme EPALE/Erasmus +
Pour démarrer, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous-même ?
Je suis infirmière, cadre de santé-formateur. J’exerce dans un Institut de Formations Paramédicales depuis 2016. J’interviens auprès des étudiants en soins infirmiers, des élèves aides-soignants et auxiliaires de puériculture. Je suis co-référente du développement des stages hors métropole au sein de l’établissement.
Qu'est-ce qui vous a amené à vous intéresser et à travailler la dimension de l’interculturalité ?
Plusieurs éléments m’ont amené à ce choix. Il y a en premier lieu une histoire personnelle, des valeurs éducatives qui m’ont orientées vers ce chemin. Le goût des voyages, de la rencontre dans ce qu’elle a de plus simple et d’authentique m’ont conduit à cette réflexion.
Puis, mon parcours professionnel m’a permis de développer mes compétences soignantes, de construire mon identité professionnelle à partir des valeurs solides comme le respect, le non jugement, la dignité. J’ai rencontré et soigné des patients d’horizons divers, d’âges, de genres, d’origines ou de statuts sociaux différents. J’ai travaillé en métropole et sur l’Ile de la Réunion. J’ai appris à m’adapter, à réfléchir à comment m’adapter. Aussi, j’ai eu la chance, lors de la réalisation d’un diplôme universitaire en soins infirmiers en rééducation et réadaptation, de suivre les cours de Walter Hesbeen. Je me souviens de cette phrase qu’il nous a un jour énoncée et qui me suit dans chacune de mes activités professionnelles : « qui suis-je pour dire à l’autre qui il est ? ». Cette question interroge la singularité de chacun, la mienne, celle de celui/celle dont je prends soin, de nos représentations personnelles du soin, de la maladie, de la santé.
Enfin, plus récemment, j’ai travaillé autour de la compétence culturelle dans les soins dans le cadre de ma formation de cadre de santé et du Master II EMOIS (Education, Management des Organisations et Ingénierie en Santé). Cette réflexion a pour point de départ des accompagnements d’étudiants réalisant leurs stages en dehors de la métropole ainsi que des activités d’analyses de situations vécues en stage par les apprenants. Ce travail m’a notamment permis d’approfondir les concepts des représentations sociales liées aux soins, de culture, d’identité culturelle, d’interculturalité au cœur des soins ou encore de réflexivité comme ressource de l’étudiant dans les soins interculturels.
Vous parlez de la compétence culturelle et de la sécurité culturelle, comment les situez-vous et quelles différences faites-vous ?
J’ai travaillé autour de la notion de compétence culturelle dans les soins. Celle-ci n’est aujourd’hui par reconnue comme telle dans le référentiel de compétences des infirmiers en France, comme elle peut l’être en Nouvelle Zélande par exemple. La dimension culturelle est disséminée dans le quotidien des soignants et parait parfois difficilement objectivable. Cependant, des auteurs comme Irena Papadopoulos, Mary Tilki et Gina Taylor ou encore Josepha Campinha Bacote ont travaillé autour du concept de compétence culturelle et ont enrichi le travail initial de Madeleine Leininger. Elles expliquent différentes étapes telles que la conscientisation de sa propre culture et de celle d’autrui. Elles interrogent l’ethnocentrisme, le développement de connaissances spécifiques, la sensibilisation culturelle pouvant mener à devenir compétent culturellement. Il s’agit ici de savoir agir dans un contexte de soin précis pour répondre aux besoins spécifiques du patient en tenant compte de sa culture, de ses représentations sociales.
L’étape ultime de cette compétence culturelle mènerait à la sécurité culturelle qui favorise l’équité en santé et la justice sociale.
Amélie Blanchet Garneau et Jacinthe Pépin proposent une réflexion critique autour de ce concept, en rappelant les biais individuels qui influencent nos perceptions et nos représentations en tant que soignants dans l’évaluation, l’analyse des situations de soins, lors de la rencontre interculturelle. Il s’agit notamment de ne pas créer de stéréotypes mais de s’intéresser à la singularité de chacun.
Elles expliquent que la sécurité culturelle favorise le libre arbitre et la capacité décisionnelle. Aussi, elle joue un rôle majeur dans l’efficacité et la qualité des soins, impliquant des critères d’équité et de résultats sans discrimination par rapport au reste de la population.
C’est en cela que la notion d’interculturalité est importante. Il existe dans l’interculturalité la notion de rencontre entre deux êtres, deux systèmes de valeurs, de normes, de perceptions, de conceptions, de représentations individuelles ou sociales, d’expérimentations, de subjectivité.
L’interculturalité rejette l’idée d’une stigmatisation et de stéréotypes liés à des connaissances globales et non personnalisées. Elle implique la conscience d’une rencontre interculturelle entre deux individualités.
En quoi cette dimension de l’interculturalité est-elle importante dans le secteur de la santé et du soin ?
La dimension interculturelle parait essentielle à prendre en compte dans les soins pour différentes raisons.
D’une part, le contexte social actuel de mobilité où les phénomènes sociétaux enrichissent la mixité des populations accueillies dans les services de soins doit nous obliger à nous interroger sur l’impact de la culture dans la prise en soins des usagers.
Puis, les problématiques actuelles de santé publique nous mènent à approfondir cette approche. Les maladies chroniques se développent. En parallèle, la démarche éducative est valorisée, étendue. Celle-ci place le patient ou l’usager de soin au cœur du dispositif, se basant sur ses besoins individuels dans la mise en œuvre de son projet de soin et de son projet de vie. Si nous ne reconnaissons pas l’individu comme une personne singulière avec des besoins spécifiques, alors le projet de soins proposé ne sera pas personnalisé et donc inadapté. Le pouvoir agir du patient, du résident, de l’usager sera limité. Le risque est ici des difficultés ou des refus d’adhésion aux soins, aux thérapeutiques proposées, des retards de prise en soins, une non reconnaissance du système de santé, de ses missions dans l’intérêt du bénéficiaire.
C’est également pour cette raison qu’il semble essentiel que les soignants aient ou prennent conscience d’avoir une culture qui leur est propre et que dans chaque prise en soin, il existe une rencontre interculturelle entre deux individus, le soignant et le soigné.
La prise en compte de cette dimension d’interculturalité n’est pas uniquement liée à un aspect géographique ou ethnique. Elle se fonde sur des valeurs et des normes individuelles et sociales. Chaque élément constitutif de la culture d’un individu doit être vecteur de réflexivité dans l’adaptation du projet de soins.
Marie Françoise Collière, dans Soigner… le premier art de la vie, explique qu’aborder l’usager de soins dans une dimension socioculturelle, c’est « apprendre à lire et à conscientiser tout ce qui relie les différents aspects d’une même situation de soins pour en dégager ce qui est signifiant pour soigner, c’est-à-dire pour aider à vivre » (COLLIERE Marie Françoise, Soigner… le premier art de la vie, Masson Editeur, janvier 2001, p.153). Cet élément conforte l’idée que l’interculturalité ne peut pas être mise de côté dans nos pratiques professionnelles soignantes.
Quelles idées, pistes ou réflexions pour la formation des professionnels de santé ?
En 2017, il m’a été confié la mission de développer les stages hors métropole au sein de notre institut de formation, en co-référence avec une collègue cadre de santé. L’accompagnement des étudiants lors de la préparation de leurs stages, notamment dans la rédaction d’un dossier documentaire, est un aspect important d’analyse, de réflexivité. Par leurs recherches, les apprenants doivent structurer un écrit concernant le pays / ou la région d'outre-mer privilégié pour réaliser leur stage. Ils y exposent la situation historique, géographique, politique, économique du lieu choisi, les éléments relatifs aux aspects culturels, le système et l'organisation sanitaire, les pathologies prévalentes, le lieu de stage potentiel, leurs objectifs de stage personnels et des réflexions concernant la faisabilité de leur projet.
Ce long travail de recherches leur permet de se préparer au départ et de travailler sur leurs représentations sociales liées aux individus et aux situations qu'ils rencontreront dans ce stage. En s'intéressant à l'histoire de la population, à celle du pays, au système de valeurs, aux coutumes, aux organisations, les étudiants s'enrichissent d'informations qui leur permettront de diminuer les stéréotypes et les préjugés. Notre objectif institutionnel est notamment de faciliter la rencontre avec l'Autre, bénéficiaire de soins ou professionnel encadrant, afin d'éviter les impairs et d'adapter la relation de soins.
Les temps de retours d’expérience sont également des moments de questionnements et de réflexions importants. C’est pour cette raison que nous proposons aux étudiants ayant réalisé ces stages hors métropole de partager leurs apprentissages et leur vécu avec les étudiants et les élèves de l’ensemble de l’institut.
Cependant, la question de l’interculturalité se travaille dans l’ensemble des outils et des activités pédagogiques lors du cursus de formation. Il apparait indispensable d’aborder l’interculturalité notamment en questionnant la sociologie et l’anthropologie, l’éthique, le raisonnement clinique. L’interculturalité ne concerne pas uniquement les stages hors métropole. Elle trouve écho dans chacune des situations de soins que le soignant accompagne. Notre objectif est d’aider les étudiants à prendre conscience du fait qu’ils ont chacun leur propre culture, comme chacun des patients accompagnés. Et que dans chaque rencontre avec un usager, il existe une rencontre interculturelle à laquelle nous devons être sensibilisé pour adapter notre prise en soins.
Il me semble qu’aujourd’hui, les établissements de santé et les instituts de formation ont un rôle à jouer dans la prise en compte de l’interculturalité et de la sécurité culturelle en formation initiale ou continue. Pour ce faire, quelques pistes de travail peuvent être exploitées, notamment en formation initiale. Un travail autour de la clarification de la posture du cadre de santé formateur dans ses pratiques pédagogiques lors de temps d’analyses en serait une. L’inscription du développement de la sécurité culturelle en formation initiale en serait une autre. Mes intentions pédagogiques auront cette ambition. Ainsi, c’est dans cette optique que j’orienterais mes futurs projets professionnels de recherche.
Je vous remercie vivement pour cet échange et votre apport.
Thierry Ardouin

Kultūrkompetence
Kultūrkompetence ir ļoti svarīga tēma mūsu veselības aprūpes sistēmā. Jo katram veselības aprūpes darbiniekam jābūt kultūrkompetentam . Kultūrkompetence ir pamatojas uz stabilām vērībam: cieņa, netiesāšana un godīgums. Kultūrkompetence noved mūsu aprūpi un sabiedrību pie kultūras drošības, kas veicina vienlīdzību vesēlības jomā un sociālo taisnīgumu. Kultūrkompetence neveido stereotipus, pamatojoties uz socialo statusu, tautību, reliģiju utt. Bet pamatā ir katra cilveka daudzpusība- katrs cilvēks ir unikāla persona! Kad medicīnas personāls pieņēms cilvēku, kā indvīdu, tad aprūpe kļūst kvalitatīva un droša. Katra cilvēka kultūras komponentam jābūt domas vektoam cilvēka rehabilitācijas plānā! Aprūpe ir pirmā dzīves māksla! Jo tiešam, medicīnas aprūpes praksē nedrikst būt nolaista starpkultūras pieeja.
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