Imaginez les odeurs de garrigue, le soleil, les chants des cigales, le vent qui longe les rives de l’Hérault ! Tout ceci fait penser à des vacances. Pourtant, une association « Terre Contact » (www.terre-contact.com ) agit au quotidien pour que la vie des habitants soit plus solidaire, plus collaborative et pour que des solutions aux difficultés sociales existent, pour une vie meilleure. Que l’image de carte postale ne masque pas un réel plus dur.

1. FAIRE VIVRE UN TERRITOIRE

Depuis 4 ans ROUL’CONTACT installe un camion tous les 15 jours au cœur d’un village. Cinq villages sont concernés. Ils représentent environ 4500 habitants. Le plus petit compte 475 habitants, le plus grand 1400. Ces lieux ont été décidés après une phase de consultation des mairies et des habitants. Des réunions avec les associations locales ont également eu lieu.

Le camion s’installe avec des étals de fruits et légumes, des animations pour les enfants, un café pour les adultes, des ateliers cuisine/tricot, et d’autres propositions. Le camion étant aménagé, les personnes peuvent rentrer à l’intérieur pour acheter des produits à 10% de leur prix d’origine s’ils ont un accès social, ou à un prix « classique, mais " bon marché " pour tous les habitants. L’idée centrale est de passer de l’épicerie sociale à une épicerie pour toutes et tous et pour faire vivre un peu le village.

Dans chaque village, ce sont environ 25 personnes qui relèvent de l’action sociale, mais sur l’année d’avant le COVID, ce sont 2000 personnes qui sont passées dans le camion. La demande devient forte, d’habitants des villages qui veulent faire des courses et passer un moment autour du café pour parler et se retrouver. La crise sanitaire a un peu freiné la mixité sociale. La plus forte demande est venue des personnes en contact avec les services sociaux, plus isolées et donc plus en besoin de soutiens.

ROUL’CONTACT est financé par les communes, le département de l’Hérault, l’état, la Caisse d’allocations familiales et a été soutenu par la fondation de France. C’est un programme Européen LEADER qui a permis de cofinancer l’achat du camion.

En observant les évolutions des demandes et des besoins, les 2 salariés de ROUL’CONTACT, les bénévoles de l’association, les habitants aussi en sont venus à imaginer CUISINE RECUP’

2. CUISINE RECUP’

En effet, pour ses déplacements, le camion se fournit à la Banque Alimentaire et auprès des dons apportés par les supermarchés locaux.  Peu à peu, il a été constaté une péremption et une perte de certains produits. En septembre 2020, Stéphanie est arrivée comme cuisinière pour transformer les produits risquant de se perdre. Et donc, à partir de là, les produits sont devenus des plats cuisinés, dressés dans des barquettes, pouvant durer 3 jours (règles officielles de la restauration). Ces barquettes seront à l’avenir proposées lors du passage du camion aux deux catégories de personnes décrites plus haut. Pour l’instant, elles sont réservées à l’épicerie sociale.

Les plats proposés le sont à 30 % du prix du marché, soit 2,7 euros le kilo de plat transformé.

Pour Stéphanie et Claire, la directrice de Terre Contact, le plat cuisiné modifie considérablement le rapport aux autres. Les personnes dans le besoin sentent qu’elles peuvent vivre comme « tout le monde ».

Le nombre de plats fluctue en fonction des produits qui se périment. Mais également depuis ce projet, des contacts ont été pris avec des producteurs locaux pour pouvoir disposer de certains produits (pain bio, fruits et légumes locaux et bio,…)

David LOPEZ : Stéphanie raconte-nous comment de restauratrice installée, tu as voulu devenir cuisinière dans ce projet social ? Je sais que tu gérais une affaire de restauration que tu voulais accessible au plus grand nombre.

Stéphanie LARROQUE : J’ai au départ un CAP de pâtisserie et plusieurs expériences de chef de cuisine. Je gérais une affaire de vente à emporter de produits bio et locaux. J’étais installée près de Terre- Contact. L’objet de l’association me plaisait, je rencontrais les personnes pendant les repas et leurs visites, et des liens se sont créés. Parallèlement, l’idée de la rentabilité, du développement de mon affaire me gênait. En effet, pour m’agrandir en permanence, il fallait soit augmenter les prix, soit réduire la quantité des plats que je préparais. Pour moi, l’alimentation c’est la base de la vie sociale. Manger ce doit être un droit pour tous. Alors quand cette opportunité de m’engager dans le projet est apparue, je n’ai pas hésité, même si il y a une certaine instabilité possible.

Avec l’évidence des liens qui se tissent, des logiques qui se mettent en place et parce que TERRE- CONTACT a toujours été à l’écoute de la vie du territoire, des demandes des citoyens, mais aussi dans l’anticipation, fidèle à ses valeurs et à la dynamique créée par les bénévoles et les salariés, Claire et Stéphanie ont simplement envisagé des suites possibles.

3. LES SUITES : FORMATION et INSERTION.

Les idées ne manquent pas. Certaines se réaliseront ou pas. Pour répondre à deux idées : renforcer l’accès à toutes et tous ET développer une « activité commerciale » avec le camion et aussi en lien avec le siège de l’association, afin d’apporter des réponses aux difficultés d’emploi, des formations sont envisageables. Des stages de formation de 2 à 3 semaines sont déjà organisés avec le lycée agricole de Gignac. Des stages de cuisine en direction de bénéficiaires de l’action sociale ou de tous publics sont envisagés.

A terme l’idée serait de créer une entreprise d’insertion et de former des personnes. Les besoins sont immenses, les demandes d’un travail utile aussi.

Dans notre discussion, j’ai évoqué des référentiels professionnels précis, des compétences recherchées. Avec intérêt, mais aussi pragmatisme, Claire et Stéphanie m’ont gentiment opposé les fondamentaux de l’éducation non formelle, s’appuyer sur l’histoire, les pratiques antérieures des personnes. L’expérience acquise est une porte vers une inclusion sociale mieux réussie.

En guise de conclusions provisoires, nous aurions pu continuer indéfiniment à réfléchir et imaginer un futur territorial, autour de l’apéritif traditionnel dans le Sud.

Claire et Stéphanie ont aussi cherché dans d’autres régions. Des idées de cuisines associatives, de redistribution, de formations participatives naissent ici ou là, à Lodève, à Voiron et sans doute dans d’autres pays.

Si vos pas vous mènent dans la Vallée de l’Hérault, ou simplement si vous voulez échanger :

• Stéphanie Larroque : roulcontact@terre-contact.com
• Claire Bernardo : cbernardo@terre-contact.com

David LOPEZ, coordonnateur thématique EPALE France, éducation populaire