À 43 ans, Brice Gourdol incarne une génération d’acteurs de l’éducation populaire pour qui l’engagement n’est pas un mot, mais une trajectoire de vie. Directeur de la MJC Monplaisir à Lyon et de l’Espace des 4 Vents, implanté dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, il s’apprête à tourner une page pour mieux en écrire d’autres. Portrait d’un homme pour qui la culture, l’Europe, et le sens du collectif ont toujours formé un même langage.

C’est dans un petit village où la MJC était le cœur battant de la vie sociale que tout a commencé. Fils d’un ouvrier et d’une employée, Brice grandit dans un environnement modeste, mais riche d’opportunités offertes par cette maison des jeunes devenue pour lui un espace d’émancipation. Là, il découvre les vertus de l’éducation populaire. Là, il trouve des adultes qui le regardent sans le juger, qui l’accompagnent et l’encouragent à transformer ses passions en projets. Amateur de rock, il organise avec sa bande de copains ses premiers concerts, destinés à faire vibrer la jeunesse locale. La dynamique est lancée.

Son parcours l’amène naturellement à croiser l’univers culturel, qu’il explore à travers une licence en arts du spectacle, sans jamais quitter le terrain : il devient animateur de réseau au sein d’une MJC. Très tôt, il perçoit la résonance profonde entre la culture et l’éducation populaire. Il imagine des événements où se croisent pratiques artistiques et initiatives sportives, tissant des liens entre les jeunes, les structures et les territoires. Brice ne sépare jamais l’animation socioculturelle de son rôle politique au sens noble : celui qui consiste à relier, à éveiller, à faire grandir.

C’est au sein du Conseil National de la Jeunesse (CNJ), qu’il découvre une autre dimension de l’engagement : celle de la mobilité. Devenu responsable pour le département de la Drôme, il vit ses premières expériences européennes dans le cadre du PEJA (Programme Jeunesse en Action). Chez lui, les voyages ne sont pas une habitude, et ces mobilités vont profondément élargir son horizon. Grâce à elles, il découvre la richesse du dialogue interculturel, perfectionne ses compétences linguistiques, mais surtout, prend conscience de ce que signifie, concrètement, "être européen".

Conscient du potentiel immense de ces dispositifs, Brice s’investit pour que d’autres puissent en bénéficier. Dans une fédération régionale des MJC alors peu familière de ces programmes, il devient un pionnier de la mobilité européenne. Il conçoit, impulse, accompagne des projets pour que les jeunes et les professionnels de jeunesse puissent, eux aussi, vivre l’Europe de l’intérieur. Cette expérience, il la met aussi au service du programme en devenant évaluateur pour les demandes de financement. Une fonction dans laquelle il s’épanouit, découvrant d’autres structures, d’autres pratiques, d’autres manières d’imaginer les projets.

Curieux, passionné par l’innovation sociale, Brice rejoint le vivier des évaluateurs Erasmus+. Il y trouve un espace stimulant d’échange entre pairs, un levier pour continuer à apprendre et transmettre. Dans ce prolongement, il se forme avec d’autres évaluateurs aux règles des marchés publics afin de pouvoir répondre à l’appel d’offres structurant la mise en place du "canal historique" de l’évaluation Erasmus+. Une manière pour lui de contribuer pleinement à un programme qu’il considère comme essentiel pour ouvrir les regards, casser les stéréotypes et rendre l’Europe réelle, populaire, concrète.

Des rencontres ont marqué son parcours, comme celle, à Strasbourg, de jeunes venus de Gaza, évoquant la mort de leur animateur volontaire, tué par balles. Des échanges bouleversants, qui ont renforcé en lui la conviction que l’éducation populaire est un levier puissant de résistance et de transformation. Pour Brice, il y a toujours, chez les animateurs, un fond militant : celui qui pousse à croire en la capacité de chacun à se saisir de son avenir.

Aujourd’hui, Brice continue d’affirmer haut et fort que les petites structures, les MJC de quartier, les associations de terrain ont toute leur place dans le programme Erasmus+. Elles sont légitimes à porter des projets européens, à avoir de l’ambition pour les jeunes qu’elles accompagnent. Lui-même en est la preuve vivante : on peut grandir loin des capitales, dans une commune rurale ardéchoise, et devenir un acteur engagé de l’Europe sociale.

Dans quelques semaines, il quittera ses fonctions de directeur pour prendre un temps de recul. Il souhaite permettre à sa femme de s’investir davantage dans sa vie professionnelle, et consacrer plus de temps à ses engagements en tant que pompier volontaire dans sa commune ardéchoise. Fidèle à ses racines, il ne tourne pas le dos à l’engagement, il en explore simplement d’autres formes. " La flamme, elle, ne s’éteint pas. "