Formation. Dis moi qui es tu ? (3) Education permanente et Formation tout au long de la vie

Formation. Dis moi qui tu es ? (3)
Education permanente et Formation tout au long de la vie
La formation est diverse, hétérogène et complexe et il est important de se situer et de pouvoir prendre du recul sur sa position et ses pratiques. Nous proposons une série de courts articles pour un positionnement de la formation dans ces différentes dimensions permettant une vision systémique et une prise de recul. Au moment où la question de la formation en situation de travail (FEST) est questionnée, cet article présente les temporalités et les logiques présentes entre éducation permanente et formation tout au long de la vie.

Si l'éducation fait partie intégrante de la vie de chacun, la formation tout au long de la vie est la nécessité pour une personne de développer un apprentissage en continu afin de maintenir et développer ses compétences professionnelles, préserver son employabilité au sein de son organisation ou de lui permettre d’obtenir un emploi dans une autre structure. En France, ces objectifs sont de plus en plus présents dans les lois sur le travail et s'éloignent des objectifs de la loi originelle de 1971 sur l'éducation permanente pour laquelle les objectifs "concourent à son épanouissement comme au progrès culturel, économique et social".
La formation tout au long de la vie est tournée prioritairement vers l’emploi, et s’apparente à la formation professionnelle continue, avant d’être tournée vers les personnes au sein de la société et pour le développement de celle-ci. C’est pourquoi nous plaçons dans le schéma suivant la formation tout au long de la vie, comme une composante de l’éducation permanente au risque de la réduire à sa fonction de développement et de renforcement des compétences, c'est-à-dire de l'employabilité.
Figure : "Education permanente et formation tout au long de la vie", T. Ardouin

Ce schéma peut paraître simple mais il a le mérite de situer les principaux éléments.
Ce schéma permet de bien faire apparaître les trois âges de la vie auxquels sont attachés chaque type de situation ou statut dans la formation ; scolarité avec la formation initiale des jeunes, vie active avec la formation professionnelle dans ses différentes dimensions et retraite avec la formation du troisième âge. La réalité est bien plus complexe et moins linéaire, et il existe un brouillage des temporalités entre formation initiale, formation professionnelle et ses différents statuts : stagiaire, salarié, reconversion, demandeur d’emploi, et des différents objectifs : qualification, perfectionnement, insertion, promotion ou formation plus personnelle et culturelle.
Ce schéma éclaire la logique et la place de la formation tout au long de la vie par rapport aux autres acceptions.
Le principe "d'éducation tout au long de la vie" existe avec des réalités individuelles, personnelles et socioprofessionnelles très différentes, mais il est présent avec cet ensemble de possibilités d'apprentissage. Ce principe renvoie au concept d'éducation permanente qui est à la fois une volonté politique et une démarche conceptuelle caractérisées par les différents temps et stratégies des acteurs. Ce concept global est donc décliné par a) des institutions tant en formation initiale, populaire ou en formation professionnelle continue au sein b) des dispositifs : dispositifs d'insertion, alternance, reconversion, eux mêmes concrétisés pédagogiquement par c) des actions de formation. Dans ce cadre, chaque personne construit alors son propre processus de formation.
Parler de formation nécessite de questionner ces différents niveaux et donc de toujours situer ce sur quoi – et avec qui - on travaille. La formation d'adultes est donc un terme qui s'inscrit dans un concept d'éducation permanente. Elle se décline par des actions de formation, intégrées à des dispositifs spécifiques mis en œuvre par des institutions repérées, par lesquelles la personne développe sa formation.
Au-delà de la simple visibilité du schéma qui montrerait que la formation tout au long de la vie serait juste un peu moins longue que l’éducation tout au long de la vie, et de ce qui pourrait apparaître alors comme une bataille d’experts entre éducation et formation, c’est la finalité même de l’un et l’autre dont il est question. L’éducation se situe à tous les âges de la vie avec une finalité sociale ouverte alors que la formation, telle qu'elle est positionnée actuellement, se focalise prioritairement sur la dimension professionnelle et le développement de l'employabilité. Ce glissement sémantique, "Éducation ou formation tout au long de la vie : droit à l'éducation ou devoir la formation" indique une prégnance de l’emploi sur la culture.
Il nous apparaît que la finalité première, et l’ambition de la loi de 1971, de formation du citoyen et de développement de la cité, disparaissent au profit de la seule dimension économique de la formation. La loi, appuyée par les orientations de la Commission européenne, institutionnalise alors la fonction socio-économique de la formation comme fonction unique. La logique de production est renforcée et prend le pas sur la logique d’éducation. Ainsi parler de "formation tout au long de la vie" n’est pas anodin par rapport au concept "d’éducation permanente" ou "d’éducation tout au long de la vie".
Il nous semble qu'il faille tenir compte de cette réalité et en même temps garder l'ambition de développement culturel et sociétal.
Cependant, la formation s'inscrit comme une entité où les différentes parties sont difficilement dissociables entre la formation personnelle et la formation professionnelle, l'apprentissage théorique et l'appropriation pratique, les temps professionnels et les temps personnels, la formation pour soi et la formation pour l'institution, et l'expérience et les connaissances. La formation, comme l'éducation dans son territoire, est tiraillée par un double paradoxe. Ces paradoxes sont liés à deux niveaux d'action : le renforcement de la culture et la préparation au travail dans une visée opérationnelle, et à deux dynamiques : le renforcement des compétences des individus au poste de travail et l'accès à la promotion sociale et à la mobilité professionnelle.
Nous ne pouvons cependant pas avoir un regard binaire pour lequel la formation serait normative, applicative et techniciste d'une part, et humaniste, intégrative et ouverte d'autre part. Il s'agit de chercher à garder les fondements humanistes de la formation et de s'adapter à l'environnement post moderne. La formation doit accepter les tensions, et travailler sur les apprentissages dans différents contextes. La question de la formation en situation de travail (FEST) réunit ces tensions et confronte ces paradoxes car il s'agit à la fois de formation pour le travail mais aussi de former en prenant de la distance dans et sur le travail. Nous voyons bien que ces éléments sont entremêlés et nécessitent une approche particulière où l'ingénierie en formation prend tout son intérêt.
Thierry Ardouin est expert thématique EPALE France et professeur des universités à l'Université de Rouen.
Textes de références
Ardouin T., Gasse S. (2006). Education ou foramtion tout au long d ela vie, droit à l'éducation ou devoir de formation, Education permanente, n°167/2006-2.
Philippe Carré (2005). L'Apprenance. Vers un nouveau rapport au savoir. Paris : Dunod.