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Comment réformer la formation en France ? Acte 1

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Le 6 septembre 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été publiée au Journal Officiel après la promulgation, la veille, par le Président de la République Emmanuel Macron.

Si l’on devait qualifier de « big-bang » cette réforme telle que définit par Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse annonçant les 12 mesures de son projet de loi, on pourrait attribuer ce « phénomène spatial » à plusieurs transformations dans le monde de la formation en France.

D’abord, la réforme de l’apprentissage qui glisse rapidement dans le champ de la formation continue tant en termes de pratiques que de marché (logique de libéralisation) ou de financements.

Ensuite, la réforme systémique (logique de centralisation) qui si elle épargne les entreprises va nettement refondre la gouvernance actuelle. De nombreux acteurs institutionnels dont certains étaient pourtant solidement ancrés dans le paysage vont disparaître, être intégrés soit voir leurs missions redéfinies. Ils seront dans tous les cas renommés pour marquer le changement à venir.

L’imprévisible big-bang de l’apprentissage

Ces 10 dernières années, le nombre d’apprentis (450 000) a stagné mais il a révélé une croissance des contrats d’apprentissage dans le supérieur. La stagnation s’est maintenue du fait d’une baisse du nombre d’apprentis sur les niveaux V (CAP-BEP) et IV (BAC). Cela crée un déséquilibre dont pâtissent les jeunes les moins qualifiés. Et les chiffres du chômage en témoignent.

Incidemment, la réforme de l’apprentissage a posé la question de la gouvernance, jusqu’alors sous la main des régions, et prochainement reprise par France Compétences (institution publique nationale) et les branches professionnelles.

Depuis des décennies, l’apprentissage est piloté par les régions qui définissent une cartographie de l’offre dans la cadre de leur politique emploi formation territoriale. Les régions veillent scrupuleusement à une répartition homogène de l’offre pour répondre aux besoins en qualifications des bassins d’emplois ou pour revitaliser des territoires désertés ou en difficultés économiques. Cette époque est bientôt révolue.

Animée par une logique d’offre, le système d’apprentissage actuel va évoluer vers une logique de demande. Autrement dit, les sessions d’apprentissage seront créées en réponse aux besoins exprimés par les entreprises. Si les Centres de Formations d’Apprentis (CFA) auront toujours à bâtir leur offre selon l’économie de leur territoire, la relation qu’entretiennent actuellement les CFA avec les employeurs devraient considérablement évoluer d’un modèle basé sur des subventions et taxes à un modèle faisant la part belle à une économie de marché, régi donc par la demande et la qualité de l’offre de services. Ils devront la renforcer, et donc l’enrichir dans un marché plus concurrentiel, puisque demain nul besoin de conventionner avec la région pour bénéficier du statut de CFA. Une certification qualité suffira. La possibilité donnée aux CFA d’ouvrir des sessions, à tout moment, tout au long de l’année indique que leur offre de services devra être empreinte d’agilité. Aujourd’hui, alors que des CFA s’interrogent très sérieusement sur leur survie à court terme, avec un risque d’impact au passage sur l’emploi des jeunes dans les territoires, les régions devront se saisir aussi de la question de l’apprentissage, justement parce que leurs moyens financiers sont considérablement réduits. Il y a urgence. Ce que certaines ont déjà fait quand d’autres s’y refusent ou tâtonnent.

Les enjeux d’une réforme systémique

La gouvernance change de mains. Elle était paritaire et caractérisait ainsi un système de formation où la place du dialogue social était une composante de la définition des politiques emploi-formation.

Le système est aujourd’hui organisé avec une politique nationale définie et pilotée par le COPANEF (Comité Paritaire National Emploi Formation), mise en œuvre grâce aux financements du FPSPP (Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels) dont les fonds, et notamment une contribution dédiée, sont collectés auprès des entreprises par une vingtaine d’OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé)*.

Ces instances paritaires, mais également la CNCP (Commission Nationale de la Certification Professionnelle) et le CNEFOP (Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles) vont disparaître ou plutôt vont être intégrés au sein d’une institution publique nationale créée ex-nihilo : France Compétences.

France Compétences, dont la création juridique est prévue le 1er janvier 2019, sera composée de 5 collèges : Etat, Régions, organisations patronales, organisations syndicales et personnalités qualifiées (PQ).

Avec France Compétences, les fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage seront donc désormais entre les mains de l’Etat qui assurera la péréquation financière auprès de plus ou moins 11 OPCO* (fonds de l’alternance et développement des compétences dans les TPME de -50 salariés), de la Caisse des Dépôts et Consignations (Compte Personnel de Formation ou CPF), de Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPF de transition), des régions dans le cadre de l’apprentissage (enveloppe de 250 millions d’euros) et enfin de l'Etat (Plan d'Investissement dans les Compétences pour les demandeurs d'emploi). France Compétences s’assurera également de la qualité des formations dispensées par les prestataires en s’appuyant sur le comité français d’accréditation (COFRAC) et une instance de labellisation. Une de ses dernières tentacules gérera la mise en oeuvre du conseil en évolution professionnelle (CEP), une prestation d'accompagnement des actifs salariés du secteur privé dans la définition de leur projet professionnel ou dans la recherche de financements.

Bref, la réforme de la formation qui touche le cœur d'un système, vieux de plus de 40 ans, se caractérise par un mouvement de centralisation d'un côté, de libéralisation de l'autre. Dans un prochain billet, nous verrons comment cette réforme est accueillie par les entreprises.


*18 structurés en branches professionnelles et 2 OPCA interprofessionnels.

** OPCO (Opérateurs de Compétences), proposition de 11 OPCO dans le rapport Bagorski-Marx remis à Mme Pénicaud début septembre.

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