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La radio, c'est pas du blabla!

En organisant des sessions de radio dans des camps de personnes exilées, l’idée de "Blabla With Radio" est née!

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Anne-Charlotte ORIOL
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Alors qu’elle voulait proposer des espaces de partage autour de la réalisation d’émissions de radio à des personnes marginalisées, notamment des personnes exilées dans des camps en Grèce ou en Italie, l’équipe de Radio Activité s’est rendue compte que des personnes venaient participer à leurs ateliers pour apprendre et pratiquer la langue du pays dans lequel elles se trouvaient. N’étant pas des spécialistes de la didactique des langues, l’association s’est rapprochée de professeurs de langues pour concevoir une méthode d’apprentissage de la langue autour de l’audio. Une réponse concrète à un besoin primordial des personnes primo-arrivantes en Europe.

Erasmus+ aura permis à Radio Activité et ses partenaires Elan Interculturel, Ankaa Project et Associazione Universo de concevoir une méthodologie d’apprentissage linguistique, l’expérimenter et l’enrichir en animant des ateliers s’appuyant sur cette méthode dans plusieurs pays et former d’autres structures à se l’approprier. Alors que le projet Blabla With Radio s’est terminé en juin 2024, nous avons rencontré Antoine Lalanne-Desmet, l’un des initiateurs et des porteurs du projet. L’occasion de faire le point sur une aventure pédagogique et humaine forte et fructueuse.

Comment est né le projet Blabla With Radio ?

Antoine : Avec Radio Activité, on animait beaucoup d'ateliers radio avec des personnes exilées en France et à l'étranger (Mauritanie, Irak, Géorgie…), notamment dans des camps. En fait, on arrivait, on donnait le matériel aux participants et on leur expliquait les bases de l’animation d’une émission radio et ils créaient leur propre émission radio en direct. On s’inscrivait dans une démarche d’éducation populaire et on essayait de rendre ces activités ludiques.

Au départ, il n’y avait pas du tout cet enjeu d'apprentissage de la langue ?

Antoine : Pas du tout. On avait pensé les ateliers autour de l’idée de passer un bon moment, faire une émission avec des thématiques qui intéressent les personnes, qui les concernent et leur plaisent. Donc les participants choisissaient eux mêmes la thématique dont ils allaient parler, comment ils allaient en parler, et ils faisaient l'émission de A à Z entre eux en direct sur Facebook. L'intérêt, c'est que tout de suite, ils récupéraient le contenu sur leur téléphone et le partageaient. On a fait beaucoup d’ateliers de ce type et j'avais remarqué que de temps à autre, il y avait des gens qui venaient pour parler la langue du pays où ils étaient.

C’est quelque chose que tu as observé dans différents pays ?

Antoine : Oui. On a fait des ateliers en Grèce et les gens voulaient en profiter pour parler grec. Ca nous est arrivé en Irak aussi, avec des gens qui voulaient parler kurde ou arabe. En Italie, en France… Ca n'arrivait pas tout le temps, mais ça arrivait de temps à autre quand même et donc c'était dommage parce que parfois, nous dans les ateliers, on leur disait "faites-le dans la langue que vous voulez, puisque c'est votre émission, mais il y en a qui disaient "ben moi j'ai envie de parler grec” mais ils parlaient pas grec, et nous non plus ! En Italie, nous avions des partenaires locaux donc on a pu tester des choses mais mais c'est arrivé souvent que nous ne parlions pas la langue du pays d’accueil. On a essayé de bidouiller des choses pour inclure un peu cette dimension mais c’était pas terrible !

En 2022, je rencontre Manon, qui travaille à Elan interculturel, une association basée à Paris intervenant dans le domaine des relations interculturelles. Au détour d’une conversation, j’évoque ces demandes d’apprentissage linguistiques qu’on a pu recevoir pendant nos ateliers radio. Elle venait de terminer un projet autour du FLE et du théâtre et elle a tout de suite perçu l’intérêt de mobiliser le médium radio pour apprendre une langue !

Après, on a assez vite pensé en projet européen. D’abord parce qu’on voulait concevoir une méthode et que les partenariats de coopération sont une modalité idéale pour ce faire. Ensuite parce qu’Erasmus+ permet de financer assez sereinement de telles actions. Enfin, Manon comme moi avions une expérience des projets européens et qu’on savait que c’était une problématique croisée puisqu’on avait mené des ateliers dans différents pays. Le projet européen, c'était vraiment la bonne échelle pour nous parce que, en fait, ça nous a permis d'inventer la méthode et de la tester. Nous on avait une intuition que la radio et les langues, ça pouvait marcher ensemble. Et là, on a eu deux ans financés pour écrire une méthode, vraiment le réfléchir et la tester.

Comment avez-vous travaillé avec vos partenaires sur ce projet ?

Antoine : On avait identifié des partenaires qui étaient des écoles de langues, Ankaa Project, en Grèce, c'est une école de langues et Associazione Universo, en Italie, aussi, donc eux ils avaient vraiment une approche "langue".

Les six premiers mois, on s'est vus avec les partenaires pour réfléchir à une méthode mêlant radio et langues. On a aussi fait venir des profs qui nous ont un peu formés. On a écrit une sorte de pré manuel où on a réfléchi à un cycle d’ateliers. Donc six mois d'ingénierie pédagogique pour concevoir le cycle et après, pendant un an, chaque partenaire l'a expérimenté dans son pays. Moi, je l'ai fait au centre social de Saint-Michel sur Orge, en Essonne. Manon, avec Elan, ils l'ont fait aux Amarres, à Paris, Ankaa Project à Athènes, Associazione Universo à Bologne. On a fait des points de suivi pendant l'année et à la fin, on a fait un bilan. On a regardé ce qui marchait, ce qui ne marchait pas et on a finalisé le manuel.

Pendant le projet, chacun a aussi réalisé des podcasts sur l'expérience des apprenantes et des apprenants mais aussi sur les enjeux d'apprentissage de la langue plus largement. Par exemple, nous, le podcast, il y a quatre épisodes, il y en a un, c'est une sorte de reportage qu'ont fait les apprenants, et il y en a un autre, c'est un entretien avec une coordinatrice de langue, avec les apprenants qui disent vraiment ce qu'ils en ont pensé et avec des traducteurs pour qu'ils puissent vraiment s’exprimer. Un autre, c'est une émission en direct qu'ils ont fait et le dernier c'est plein de pleins de petits enregistrements qu'ils ont faits pendant le parcours et qu'on a revus et montés.

Concrètement comment avez-vous pensé cette méthode ?

Antoine: On a conçu un programme de 13 sessions divisées en 11 "learning pass" (LP), c'est-à-dire en objectifs pédagogiques, que ce soit des compétences techniques (par exemple, le premier LP c'est utiliser le micro) ou des compétences linguistiques (il y a un LP sur "itinéraires et transports"). 

Chaque session est construite sur le même format : il y a une introduction où on a mis des brise-glace parce qu'on aime bien ça évidemment. Et ensuite on a toute une partie linguistique où là ils vont écouter des choses, répondre à des vrais ou faux, etc. Et chaque séance, à part 2 ou 3, se termine par une tâche radio, la tâche radio, ça peut être enregistrer quelque chose à deux, mais ça peut être aussi faire un micro-trottoir, ça peut être faire une émission...

Tu as parlé de bonus ? 

Antoine: Alors les bonus, c'est des trucs plus ambitieux au sens où là ils vont faire une émission, avec un jingle, une intro et conclusion. C'est sur quatre séances et la dernière séance étant vraiment une émission. Moi je l'ai fait, ils font une émission de 20 minutes, comme on peut entendre à la radio.

Le manuel pédagogique que vous avez conçu est très détaillé, il peut s'adapter à la fois à des personnes qui animent des ateliers bénévolement aussi bien qu'à des profs de langue. Quand vous avez conçu ce manuel avec les différents partenaires du projet, avez-vous eu les mêmes retours dans les différents pays quand vous avez fait le bilan des ateliers ou les retours variaient selon les contextes ?

Antoine: Ça ne variait pas tant que ça justement. On a eu des retours assez similaires, il y a eu beaucoup le retour que le fait de faire de la radio permettait aux apprenants de beaucoup s'ouvrir en fait, à la fois au reste du groupe - parce que toutes les activités sont pensées en collectif en fait et la moindre activité radio il faut parler avec quelqu'un etc - mais aussi de s'ouvrir au monde, de s’ouvrir plus largement - là c'est plus quand il y a des micro-trottoirs par exemple. Moi, il y a quand même une apprenante qui m'a dit j'ai compris que j'avais le droit de parler aux gens. Donc ça c'est un retour qu' y a eu pas mal. Je crois que les profs ont bien aimé le côté de la pratique de l'oral. Tout le monde s'enregistre et qu'on s'écoute dans tous les modules donc tout le monde est un peu obligé, même si on ne force pas gens, on les accompagne à se sentir capables de le faire… ça c'est intéressant en termes de pratique de l’oralité.

Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est qu'en termes d'apprentissages, il y a évidemment l'aspect linguistique, mais il y a aussi un aspect technique en fait. C’est d’autant plus intéressant que vous pouvez être amenés à travailler avec des personnes pas forcément à l'aise avec les outils numériques. Or ce projet permet aussi de démystifier un peu la machine, la technique…

On a principalement utilisé des enregistreurs. Et par exemple, moi j'avais un groupe constitué uniquement de femmes et elles s'en servaient trop bien. Je leur ai montré une fois et voilà. J'étais assez étonné, même des apprenantes qui n'étaient pas très partantes pour la technologie, qui après à la fin, s'enregistraient elles-mêmes, en faisant attention à la prise de son, etc. Et ça, pour moi, c'est hyper bien parce que comme tu disais, ça démystifie et c'est... hyper stylé quoi ! J'ai vraiment senti que certaines se disaient "mais là je suis entrain de faire une émission radio avec du matériel professionnel dans une langue qui n'est pas la mienne"... Ça c'est malgré nous, on y est pour rien du tout, mais le fait qu'il y ait du matériel, c'est hyper valorisant !

Personne interviewant une autre personne.

Le projet vient tout juste de se terminer, qu’est-ce que qui t’a le plus marqué pendant ces 2 ans ?

Antoine : Les ateliers, forcément, c'était génial ! De mon côté, j'ai fait 35 ateliers avec le centre social sur un an. ça m'a beaucoup marqué parce qu'en fait, ta méthode, tout d'un coup, elle devient concrète. Et après, ce qui m'a marqué vraiment vraiment... il y a deux femmes en fait.

Déjà une dame qui m'a dit qu'elle avait compris en faisant un micro-trottoir qu'elle avait le droit de parler aux Français. Je me suis dit, c'est quasiment politique. Et en plus, c'est une femme qui est en France depuis 20 ans mais qui parlait très peu le français. Sortir un truc comme ça, ça veut quand même dire qu'elle sentait qu'il y avait une vraie barrière. Et c'est elle qui a adoré faire des micro-trottoirs, elle a interrogé plein de gens... ça lui a donné un pouvoir quoi.

Il y a une autre participante qui m'a beaucoup marqué aussi, qui est afghane, et elle, elle était vraiment ultra timide, elle parlait à peine, elle voulait même pas s'enregistrer, elle voulait pas trop parler avec les autres, c'est vraiment quelqu'un de très très timide. Et je pense qu'en plus elle était en choc culturel perpétuel, je pense que quand elle était dans notre atelier, ça ne faisait que quelques mois qu'elle était en France. Puis on voyait que c'était c'était trop tout quoi... le déplacement, la France, ta culture, une nouvelle culture... Et en fait, petit à petit, je l'ai vraiment vue évoluer pendant les ateliers. À tel point qu'à la fin, elle a fait l'émission en public avec nous, une émission avec 100 personnes quand même, ce qui n'est pas rien. Et, sinon, elle participait à chaque fois, à chaque atelier mais c'était une phrase. Et à la fin, je me rappelle les deux derniers ateliers, elle a pris l'enregistreur et c'est elle qui a enregistré tout le monde. Elle voulait se ré-enregistrer elle-même, elle réécoutait tout ce qu'elle enregistrait elle-même pour faire la prise parfaite. Elle disait qu'on ne devait pas la déranger, elle voulait réécouter sa voix et ça, c'était un peu comme une réussite pour elle.

L'intérêt de cette méthode, c'est aussi qu'elle se développe sur le temps long...

Antoine : Moi j'ai vu vraiment une évolution chez les apprenantes, à la fois dans la manière d'être et dans la pratique du français. Je ne dis pas que tout est de Blabla parce qu'elles étaient assez nombreuses à avoir d'autres cours de FLE en même temps. Mais en tous cas, cette pratique de l'oral a participé au fait qu'elles se sentent plus à l'aise pour parler... et pour progresser en français, vraiment elles ont progressé en français. D'autant qu'il y a un aspect que j'ai vraiment découvert dans l'apprentissage de la langue avec ce projet. Quand on apprend une langue, souvent on n'ose pas parce qu'on a honte de faire des fautes. Sauf que là, t'es obligé de faire des fautes puisque y'a une tâche radio à la fin, donc faut bien que tu t'enregistres. Et en fait, j'ai l’impression que cette méthode permet de dépasser cette peur de faire des fautes parce qu'en fait tu en fais forcément, tu t'enregistres, tu te réécoutes, tu vois bien qu'il y a des fautes, mais en fait tu progresses. Et j'ai remarqué que l'auto-évaluation marchait assez bien.

Et comment s'est passé la dynamique au sein du groupe ? C'étaient des personnes qui se connaissaient déjà ?

Antoine : Certaines s'étaient croisées, mais elles ne se connaissaient pas particulièrement. Après, dans la méthode, on a fait très attention à mettre en place des choses permettant de créer de la bienveillance dans le groupe, par exemple on a mis beaucoup de brise glace. Dans le manuel aussi, on a mis beaucoup de conseils aussi pour mener le groupe, pour éviter les conflits, pour que les gens s'entendent bien... Enfin, les dynamiques de groupe, c'est vraiment quelque chose d'important pour nous. Parce que aussi on aimerait créer un peu avec ça, que le cours ce soit aussi un lieu de solidarité, d'entente... Pour se faire des amis... Pour échanger. En l'occurrence, toutes ces femmes, elles vivaient des situations similaires alors qu'elles étaient de dix pays différents. Donc en fait, si elles peuvent créer des amitiés entre elles à travers le cours, c'est trop bien.

C'est aussi un espace pour souffler...

Le projet s’est terminé, comment allez-vous continuer de faire vivre la méthode Blabla With Radio ? Comment une structure intéressée peut-elle s’en emparer ?

Antoine : Dans les livrables du projet, il y avait la réalisation d’un livret pédagogique (dans les différentes langues du projet), l’animation des ateliers par les différents partenaires, la réalisation des podcasts dans chaque pays, l’organisation de formations pour 15 formateurs et d’un événement de restitution finale, qui s’est tenu à Paris début juin.

Les livrets pédagogiques sont disponibles en ligne et chaque structure proposant des ateliers linguistiques à des personnes exilées peut l’utiliser. Nous sommes conscients de la diversité des profils des formateurs et des formatrices en langue (professionnels, bénévoles…) et nous avons essayé de concevoir des ressources clef en main pour accompagner ces personnes pas à pas.

Nous souhaitons aussi continuer à animer nous-mêmes des ateliers autour de Blabla With Radio et à proposer des formations de formateurs / formatrices.

Les livrets pédagogiques réalisés dans le cadre du projet Blabla With Radio sont disponibles en français, anglais, grec et italien. Plus d'informations : https://radio-activite.fr/blabla-with-radio/

Les podcasts - où les formateurs/trices et les participantes donnent leur avis sur la méthode - produits durant le projet sont également accessibles à cette adresse : https://radio-activite.fr/blabla-with-radio/ 

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