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Actualités

CETAL : IO2: Pourquoi et comment travailler des compétences émancipatrices en situation de précarité ? Présentation synthétique d’une recherche-action européenne

Objectif de la démarche

Développer et reconnaître des compétences émancipatrices est au cœur de la démarche proposée, elle s’adresse aux structures associatives, aux professionnel.le.s et bénévoles, aux citoyen.ne.s, et plus particulièrement ceux qui vivent des situations de précarité.

L’objectif est de permettre d’agir collectivement pour le changement de situations de vie insatisfaisantes. Nous soutenons à travers cette démarche que :

● chacun.e a des ressources qui permettent de penser et d’agir,

● chacun.e, quel qu’il soit, quel que soit son parcours et sa situation, peut contribuer à changer les choses, en s’appuyant sur les ressources qu’il.elle détient,

● les structures ont tout intérêt à s’appuyer sur ces ressources, pour une vie associative vivante et renouvelée, pour le développement des personnes et pour le développement de leurs animateurs et animatrices

L’émancipation individuelle et collective doit permettre le développement de biens communs, l’égal accès à la nourriture quelle que soit sa situation sociale, faire les bons choix pour soi et pour la société (notamment sur les questions d’alimentation, au cœur du projet), retrouver de l’estime de soi. Il ne s’agit pas d’orienter les personnes vers une certaine vision de ce qui serait juste, mais de construire des capacités pour faire les bons choix pour eux-mêmes et pour les autres, et ne pas se réduire aux choix auxquels on se pense assigné. L’objectif est donc de permettre la sortie du stigmate de la précarité et l’émancipation.

Les compétences émancipatrices : les capacités d’une personne à mobiliser ses ressources pour mettre en œuvre un processus qui va lui permettre, non pas de s’adapter à une situation préexistante, mais de construire des alternatives justes aux situations insatisfaisantes et de se libérer de places assignées dévalorisantes.

5 partenaires et 4 pays : ARCS – ARCI Culture Solidali en Italie, Bionet Network Association en Bulgarie, Le Grain en Belgique, le Léris en France, Reflective Learning en Bulgarie.

Le projet expérimenté entre décembre 2019 et mars 2022.

L’objectif du projet était de provoquer des situations où les personnes pouvaient être mobilisées autrement, de manière positive, alors qu’elles sont souvent envisagées selon leurs manques, difficultés : « C’est lorsque cet ordre est bouleversé, que l’émancipation agit : lorsque des individus se découvrent des capacités différentes que celles qui leur échoient en partage ; lorsque la capacité surgit à la place d’une incapacité intériorisée et transformée en fatalité” (F. Tarragoni, 2021; p.83).

Reconnaître les compétences développées dans ce cadre est important, mais avons donc fait évoluer le protocole initial (évaluation à plusieurs reprises pendant les ateliers) et la forme finale que nous avions imaginée pour valoriser ces compétences (livret de compétences). En effet, l’approche individuelle de reconnaissance des compétences peut renforcer la stigmatisation que peuvent ressentir les personnes. Les compétences individuelles ne doivent donc être reconnues que si elles s’inscrivent dans une finalité globale, dans l’intérêt d’un projet supérieur, commun. La reconnaissance des compétences a donc lié démarche individuelle ET démarche collective, à travers des temps de travail sur les compétences individuelles par l’élaboration d’un « trèfle des compétences », réalisés de manière collective (avec pour support le jeu de carte des compétences développé dans le cadre du projet).

La méthodologie (décrite de manière détaillée dans le guide méthodologique) a été transmise dans le cadre d’une formation initiale de facilitateurs. C’est en faisant, en expérimentant les postures et outils, que les facilitateurs ont pu mener le projet. Il repose sur l’organisation de 8 ateliers de 2 heures qui ont un double objectif :

  • Développer des compétences émancipatrices par une pédagogie particulière,

  • Identifier et agir collectivement pour changer une situation insatisfaisante.

Les groupes

Les participants : 12 groupes répartis dans les différents pays - 60 personnes environ (deux tiers de femmes et un tiers d’homme, moyenne d’âge 60 ans). Des profils très variés : personnes sans domicile fixe, à faibles ressources, isolées ou mère de famille, en situation de handicap mental, vivant dans des quartiers populaires ou à la campagne, retraitée ou sans emploi.

La constitution du groupe : le point de départ dans tous les groupes a été le rassemblement de personnes, intéressées par un sujet (ici l’alimentation). Les groupes se sont constitués de plusieurs manières : soit ils ne préexistaient pas à l’action, ils se sont constitués sur la base d’un intérêt et de colères partagées, soit le groupe existait, l’identification du sujet commun a été retravaillé en début du processus pour s’intégrer au projet associatif.

La mobilisation : elle fait partie de la méthodologie proposée. Elle fût aléatoire tout au long du projet (les groupes variant de 3 à 10 personnes selon les jours), MAIS, cela correspond aux modes d’engagements actuels qui ne sont ni linéaires ni réguliers. Il a été nécessaire de lâcher prise pendant les ateliers et de s’assurer que de nouvelles personnes puissent intégrer la démarche à tout moment, sans que cela nécessite de recommencer à zéro en permanence. La forme était importante, les ateliers peuvent se faire partout !

Les principaux enseignements :

Les compétences émancipatrices renvoient davantage à l’exercice d’une citoyenneté active qu’à une logique de reconnaissance formelle des compétences, à visée d’insertion. Une analyse des outils existants (livrets des bénévoles) nous a montré qu’ils étaient très peu utilisés par des participants ou bénévoles d’association et que la reconnaissance collective apportait davantage aux personnes puisqu’elle consolide les compétences acquises. Ces outils peuvent même renforcer le sentiment d’incompétence ressenti. Par ailleurs, ces compétences ne sont pas acquises une fois pour toute, mais doivent être mises au travail tout au long de la vie. On ne s’émancipe pas une fois pour toute, mais c’est un processus permanent.

Des bénéfices pour les personnes

Travailler sur les compétences, aurait pu renvoyer les personnes à leurs « faiblesses », mais travailler sur leurs ressources, sur leurs forces a été source de développement de l’estime d’elles-mêmes : la personne ne se sent plus enfermée dans une identité liée au vécu négatif de la situation de précarité. La participation au projet permet un renversement du stigmate : “Développer des compétences des personnes oui, car elles me l'ont dit, c'était comme un "coming out" de compétences. Une personne a développé certaines compétences pendant le bénévolat mais jusque-là il n'y avait pas l’occasion pour réfléchir sur ça. C’était une prise de conscience, comme une sorte de miroir.” (facilitatrice, Italie)

En faisant, en agissant, les personnes ont réalisé qu'elles avaient envie de s’engager dans une évolution : « J’aimerais savoir comment cuisiner parce que j’aime le sentiment de pouvoir le faire » (Participant, Bulgarie) ou une autre : “Au début tout le monde était timide, sur la réserve. Maintenant on est investi du coup on parle beaucoup plus. On est très intéressées. Au début on était sur du coton et maintenant on est sur du béton, on est très motivée. Ça nous a permis à nous toutes de nous extérioriser.” (participante, France).

La méthodologie a permis d’identifier des ressources peu valorisées et de les mettre au service du projet collectif, permettant aux personnes de devenir actrice de changement.

Les bénéfices pour les professionnels et bénévoles

S’engager avec cette méthodologie a permis de redonner du sens à l’intervention des professionnels et animateurs, elle ouvre des possibles qui n’étaient pas imaginés. Elle propose un cadre structurant et un support pour aller plus loin dans leur action, que ce soit d’un point de vue méthodologique ou du point de vue des finalités : “ça m'a permis de voir moi personnellement, d’apprendre et mieux comprendre les enjeux concernant l’accès à l'alimentation. Quand tu es bénévole lambda pris dans l'action il n'y a pas de vision "politique" du sujet, c’était pour moi une grande découverte. Il y a aujourd’hui beaucoup de responsables des associations qui n'ont pas cette vision.” (facilitatrice, France)

Un changement de regard : ”La principale chose que j’ai apprise de ce projet est que les personnes issues de groupes vulnérables ont un potentiel insoupçonné et qu’il suffit d’un soutien pour réaliser les activités imaginées” (facilitatrice, Bulgarie). Les participants deviennent une équipe, avec des rôles différents, mais en s’appuyant sur les forces de chacun. Les facilitateurs se sentent moins seuls pour mener des actions.

Des bénéfices pour les structures

La méthodologie peut s’adapter à tous les publics, elle constitue donc une trame d’intervention reproductible sur l’ensemble des dimensions du projet d’une structure. Elle permet d’actualiser la connaissance des besoins des personnes et d’être ainsi plus pertinentes pour répondre à des besoins non couverts : “Oui, par exemple, pendant les ateliers, on a trouvé une idée et suite à ça on a décidé de faire une école d'été (sur des questions sociétales, économie circulaire, alimentation etc.). Nous avons mis en place l’école d’été appelée “DECORE” (DEmocracieCOmunitéREsponsabilté). Cette action était la conséquence directe des ateliers CETAL.” (facilitatrice, Italie)

Les associations proposent un projet associatif, et celui-ci, par la dynamique enclenchée avec la démarche CETAL, peut être approprié, renouvelé en fonction des centres d’intérêts des personnes. La démarche offre de nouvelles opportunités pour le bénévolat (élément important lorsqu’on sait la difficulté de renouveler les bénévoles dans les associations !) : une part importante des personnes ayant participé se sont engagées, et des facilitateurs ont trouvé par ce moyen une nouvelle manière d’être bénévole : « ça donne des nouvelles perspectives pour d'autres champs d'intervention, les personnes qui ont vécu cette expérience ressortent de là plus confiantes en elles, "je me sens capable", et reproduisent la démarche dans n'importe quelle autre situation.” (facilitatrice, France)

Pour tirer les bénéfices de cette démarche, la formation a été essentielle. Qu’elle se déroule durant trois jours consécutifs, encadrée par des « transmetteurs », ou qu’elle se transmette par le faire, par la co-action, ce fût le cas lorsqu’une personne formée a accompagné un nouveau facilitateur en faisant avec lui.elle. Ces temps sont nécessaires pour vivre l’expérience d’agir autrement, d’accompagner autrement. L’expérience vécue par les facilitateurs notamment, montre que l’enjeu mérite d’être relevé : celui d’une émancipation individuelle et collective.

Les porteurs du projet et les facilitateurs se tiennent à votre disposition pour poursuivre ce travail de transmission de la démarche.

Plus d'information sur : leris@leris.org

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