À l’heure du repli identitaire et de la défiance démocratique, l’éducation des adultes a un rôle clé pour renforcer la citoyenneté européenne. Comment accompagner les publics vers une compréhension active, critique et engagée du projet européen ?

La citoyenneté européenne est souvent perçue comme un acquis abstrait : un droit de vote aux élections européennes, la possibilité de circuler librement dans l’espace Schengen, ou encore un passeport commun aux étoiles dorées. Pourtant, au-delà de ces aspects juridiques, être citoyen européen, c’est aussi appartenir à une communauté de valeurs, de droits et de responsabilités. Dans une période troublée, marquée par la montée des populismes, la désinformation et le recul de l’État de droit dans certains pays membres, faire vivre cette citoyenneté devient un enjeu prioritaire.

L’éducation des adultes, dans sa dimension formelle, non formelle et informelle, est un levier fondamental pour renforcer la conscience européenne, stimuler l’engagement démocratique et lutter contre le sentiment d’exclusion ou d’incompréhension vis-à-vis du projet européen.

Une citoyenneté encore trop méconnue ou inégalement vécue

Créée par le traité de Maastricht en 1992, la citoyenneté européenne reste pour beaucoup une notion lointaine, peu ancrée dans le quotidien. Selon l’Eurobaromètre, une majorité de citoyens européens disent pourtant ne pas bien comprendre le fonctionnement de l’Union européenne, et nombreux sont ceux qui se sentent éloignés des décisions prises à Bruxelles ou Strasbourg. Ce déficit de connaissance nourrit un désengagement démocratique, en particulier chez les adultes peu qualifiés, en situation d’exclusion sociale, ou issus de l’immigration.

De plus, tous les citoyens n'ont pas le même accès à leurs droits : la mobilité, la participation aux consultations publiques européennes, ou l’accès aux institutions restent inégalement répartis selon les territoires, les langues, les niveaux d’éducation ou les compétences numériques.

L’éducation des adultes, pilier d’une citoyenneté active et inclusive

Dans ce contexte, l’éducation des adultes peut et doit jouer un rôle d’empowerment. Elle permet d’acquérir non seulement des savoirs sur l’Europe (son fonctionnement, son histoire, ses valeurs), mais aussi des compétences critiques, interculturelles et sociales pour agir en tant que citoyen.

Les actions possibles sont nombreuses :

• Des cycles de formation sur les institutions européennes dans les centres sociaux ou maisons des associations ;
• Des ateliers de débat citoyen sur les priorités de l’Union (transition verte, inclusion, numérique...) dans les tiers-lieux ou médiathèques ;
• Des parcours de formation linguistique intégrant l’éducation civique européenne, à destination des publics migrants ;
• Des projets de mobilité Erasmus+ permettant de découvrir d'autres cultures, pratiques démocratiques et réalités sociales en Europe.

Ces dispositifs permettent de passer d’une citoyenneté passive à une citoyenneté vécue, expérimentée, enrichie par l’échange et la coopération transnationale.

Lutter contre les replis et renforcer l’adhésion au projet européen

Dans un monde marqué par les crises – guerre en Ukraine, tensions migratoires, changements climatiques, inflation – les citoyens cherchent des repères et des protections. C’est parfois vers des discours nationalistes ou xénophobes qu’ils se tournent. Face à cela, l’Europe ne peut pas se contenter d’arguments économiques ou juridiques. Elle doit se faire comprendre, se rendre tangible, lisible, incarnée.

Développer la citoyenneté européenne, c’est renforcer la cohésion sociale autour d’un projet politique commun, fondé sur la solidarité, la diversité culturelle, la paix, et la démocratie. C’est permettre à chacun – y compris aux adultes peu qualifiés ou éloignés du numérique – de se sentir partie prenante de cette construction.

Des expériences inspirantes à essaimer

Partout en Europe, des initiatives montrent qu’il est possible de réinventer la citoyenneté européenne :

• Des cafés citoyens organisés par des associations d’éducation populaire à Athènes ou à Lisbonne, où l’on débat des élections européennes ;
• Des parcours de formation sur les droits sociaux européens pour des femmes migrantes à Berlin ;
• Des échanges entre formateurs d’adultes autour de la citoyenneté active à travers Erasmus+ (projets de coopération et de mobilité de formation) ;
• Des podcasts réalisés par des apprenants adultes pour décrypter le Pacte vert européen dans un langage accessible.

Ces exemples montrent que l’appropriation de l’Europe passe par le local, l’expérience et la parole des citoyens eux-mêmes.

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Une Europe vivante et inclusive se construit par l’éducation

Développer la citoyenneté européenne dans l’éducation des adultes, ce n’est pas plaquer un discours institutionnel ou un idéal abstrait. C’est partir des réalités de vie, des préoccupations concrètes des citoyens, pour y ancrer le sens de l’Europe. C’est réconcilier le local et le transnational, donner de la chair à un projet souvent perçu comme technocratique.

Alors que les tensions identitaires, les fake news et la polarisation menacent le vivre-ensemble, il est urgent de renforcer la capacité critique, la compréhension mutuelle et l’engagement collectif. L’Europe n’est pas un concept figé : c’est une aventure collective à écrire et à transmettre. Et pour cela, l’éducation des adultes est plus que jamais un pilier démocratique.