Les acteurs de la qualité en formation : les financeurs

Les financeurs sont au cœur du décret Qualité. C’est en effet à eux qu’incombe la lourde responsabilité de s’assurer de la capacité des prestataires à dispenser des formations de qualité. Cette nouvelle mission, issue de la réforme de la formation, n’est pas incohérente avec leurs responsabilités de collecteur et financeur dont on peut naturellement attendre qu’elles se traduisent par des résultats qualitatifs, tant en termes d'offre de services que de prestations financées. Mais derrière la qualité attendue des formations, c’est le résultat quantitatif qui est surtout scruté : un contrôle renforcé des flux circulants des fonds de la formation professionnelle qui commence par les financeurs eux-mêmes et se terminent avec environ 76000 prestataires. Et le plus connu des outils utilisés semble confirmer cette thèse.
La situation des financeurs… 6 mois avant l’application du décret qualité
Les financeurs (Région, Etat, Pôle Emploi, Agefiph et OPCA) n’avançaient pas tous au même rythme, et n’appréhendaient pas leur nouvelle mission de la même manière. Cela tenait à plusieurs raisons : des ressources en baisse, l’interprétation du décret selon leur propre rapport à la qualité des formations, une légitime volonté d’autonomie, une vision à l’échelle d’un territoire avec en plus une fusion à gérer pour certains… Bref, une multitude de facteurs internes et exogènes ont compliqué l’application du décret au sein même d’une catégorie de financeurs.
S'agissant des OPCA, quand certains, seuls, se sont emparés du décret dès sa sortie pour l’appliquer la même année, d’autres avaient à peine effleuré le sujet sur leur site Internet. Pour favoriser l’alignement des financeurs au sein de la catégorie OPCA-OPACIF, le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP), forcément concerné par la question du contrôle des fonds de la formation, a pleinement joué son rôle de tête de réseau en sonnant la mobilisation générale. L’objectif consistait à aborder le décret qualité avec les OPCA et OPACIF en ordre de bataille dont l’intérêt serait collectif (mutualisation des ressources humaines et financières) et individuel (prise en compte des politiques OPCA, relations avec les branches et les prestataires).
Cette initiative, après plusieurs séances de travail inter-OPCA, s'est déroulée par étapes. Il a d'abord été créé un référentiel de 21 indicateurs reflétant leur interprétation, non contestée, des 6 critères du décret. Ensuite est apparue la fameuse plateforme data-dock (data-dock.fr) à partir de laquelle tous les prestataires de formation sont aujourd'hui invités à s’enregistrer en vue de leur référencement. Enfin, un calendrier incluant une tolérance de 6 mois pour l’application du décret, en vigueur au 1er janvier 2017, a été accordée finalement autant aux prestataires de formation... qu’aux OPCA.
La situation des financeurs… 6 mois après l’application du décret qualité
L’apparente approche collective des OPCA qui, a quand même permis la sortie du data-dock dans les temps, a difficilement résisté aux enjeux individuels stratégiques : la collecte des fonds. Celle-ci est d’autant plus importante qu’elle représentait, au cours du premier trimestre 2017, la deuxième collecte des fonds (contribution unique 1%), après la réforme. C’est une mission qui, naturellement, les a mobilisé davantage vers les entreprises que vers les prestataires de formation.
Ainsi, la communication et la pédagogie ont cruellement fait défaut à la promotion du data-dock. Puis, au deuxième trimestre, une exceptionnelle mobilisation des OPCA, avec des petits-déjeuners, informations collectives diverses, présentation de la démarche de référencement sur leur site… leur a permis de rattraper partiellement leur retard. Informés, mais contraints et forcés, les organismes de formation s’inscrivent plus nombreux sur le data-dock. Après tout, entre référencement et certification, il faut choisir. Et les deux options, de toute façon, imposent ce passage sur la plateforme.
D’ailleurs, juste avant l’été, le ciel était encore orageux et l’inquiétude grondait parmi les prestataires confrontés à l’échéance psychologique du 30 juin 2017, et en même temps largement préoccupés à répondre à leurs appels d’offres. Du côté des équipes du data-dock, la hotline était débordée tout comme les examinateurs confrontés à leur premier pic d’activités.
La cristallisation parmi les prestataires de formation est toujours présente. La période estivale l’a seulement quelque peu atténuée. Certains prestataires, pourtant référencés, demeurent dubitatifs :
« tous mes indicateurs sont au vert mais je n’ai reçu aucun mail de confirmation »
confie l’un d’entre eux qui réalise un chiffre d’affaires d’un million d’euros, avant d’ajouter « Je ne sais même pas par qui j’ai été référencé ». Les interrogations de ce prestataire viennent du fait, compte tenu de son activité, qu’il ne travaille avec pratiquement qu'un seul OPCA dont il n’a pas eu d’information après son référencement. Ou sinon, comme pour encore beaucoup de prestataires, sa connaissance du décret se limite au référencement obligatoire sur le data-dock. Pour les prestataires référencés, il s’agit donc maintenant d’apprécier concrètement les bénéfices de l'outil en ligne… à commencer dans leurs relations avec les financeurs.
L’action des financeurs… à la rentrée 2017
Pour la très grande majorité des prestataires de formation, le data-dock est davantage perçu comme une chambre d’enregistrement qu’un levier au service des bonnes pratiques pour des formations de qualité.
De toute façon, que pouvait-on attendre d’autre d’une base de données en ligne ?
Sauf que pour la préparation de leur référencement au data-dock, les prestataires ont dû parcourir les 21 indicateurs du référentiel des financeurs. Ils ont donc dressé un état des lieux de leurs pratiques qui les a conduit à s’interroger sur leurs axes d'amélioration, comme la personnalisation des parcours proposés ou leur système d’évaluation. De ce point de vue, le référentiel des financeurs a été bénéfique. Et la suite logique voudrait qu'en principe après tout diagnostic qui révèle des marges de progression, un plan d'actions (ou d'amélioration continue) s'impose. Un accompagnement adapté pourrait ainsi faire évoluer durablement les pratiques, si tant est que cela soit l'objectif.
Voilà pourquoi, après la joie éphémère apportée par l’obtention de leur référencement, les prestataires souhaitent du pragmatisme et de la visibilité pour aborder la rentrée 2017-2018... et la prochaine réforme de la formation. Ce qui signifie que l'action des financeurs initiée lors du 2ème trimestre doit se poursuivre et nourrir d'autres ambitions. D’abord, tous les prestataires ne sont pas allés au terme de leur démarche de référencement sur le data-dock. Ensuite, pour ceux qui sont référencés ou certifiés, il faut continuer de communiquer notamment sur l'existence et la finalité des catalogues de référencement publiés par les financeurs comme ici avec celui de l’Agefos-PME. Prestataires référencés, vérifiez si vous y êtes.
Enfin, il faut continuer d’échanger et accompagner les prestataires dans un cercle vertueux pour de bonnes pratiques de formation. Autrement, la notion de qualité en formation en France sera réglementaire et se résumera à l’accès et au contrôle des financements, plaçant au second plan l’exercice du métier et la satisfaction des apprenants et prescripteurs.
Prestataires de formation, donnez votre vision de la qualité
Faites entendre votre voix et exprimez-vous sur le décret qualité (votre avis, retour d'expérience...) en répondant à un bref questionnaire, dans le cadre d’une consultation nationale.
La synthèse de cette enquête sera restituée lors de la 5ème rencontre thématique EPALE France, le 20 septembre, sur les "Bonnes pratiques pour la qualité de la formation" organisée par l'Agence Erasmus + France et EPALE France qui donnent la parole aux professionnels.
