Accompagner des jeunes de 18 à 21 ans, une éducation vers une vie autonome



Le Foyer Notre Dame à Strasbourg soutient les jeunes en difficultés, demandeurs d’asile ou réfugiés. La présentation de l’association figure sur leur site internet
« Depuis sa création en 1923, l’association Foyer Notre Dame cherche à aider les personnes dans le besoin, notamment les jeunes. L’association s’est par la suite engagée depuis 1975 dans l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés, ainsi que des jeunes en difficultés et a sans cesse développé et amélioré ses services en faveur de ce public.
Aujourd’hui, nous gérons différents établissements et services dédiés aux personnes selon le stade de leur procédure et leurs besoins.
Au total, l’association assure la responsabilité d’une quinzaine d’établissements. Nous accueillons, hébergeons et accompagnons chaque jour plus de 1500 personnes sur l’ensemble de nos services.
Vous pouvez en apprendre plus sur les missions et objectifs, l’ histoire et les valeurs. Vous pouvez également consulter les rapports d’activité de l’organisme. N’hésitez pas à suivre l’activité de l’association sur les réseaux sociaux : Instagram, Facebook et LinkedIn. »
J’ai rencontré Yasmina FERCHIOU, directrice du pôle jeunesse au Foyer Notre Dame . Engagée depuis toujours dans la vie associative, elle a acceptée, avec des salariés du pôle, de répondre à quelques questions et à présenter son travail, située dans une ville centrale pour l’euro région Grand Est et l'Euro métropole.
En préalable, elle a évoqué le besoin d’avoir une approche fine et réfléchie pour gérer des questions d’inclusion sociale pour un public déjà fragilisé :
« L'accompagnement des jeunes majeurs, en particulier les plus vulnérables, demande une approche fine, souple et engagée. L’éducation des adultes, dans ce contexte, est une éducation à la vie autonome, à la capacité de se situer dans la société, d’y contribuer et d’y trouver sa place.
Notre mission quotidienne vise à créer les conditions pour que ces jeunes puissent croire à leur potentiel, s’affirmer dans leurs projets, et se construire en tant que citoyens libres, responsables et confiants en l’avenir. »
David LOPEZ : Yasmina, en observant le pôle jeunesse du Foyer Notre Dame, deux activités m'ont semblé intéressantes pour des personnes engagées dans l'éducation des adultes / jeunes adultes majeurs : le centre Rosa Parks et le dispositif « baux glissants jeunes ». Peux-tu les présenter ?
Yasmina FERCHIOU :
Le Centre Rosa Parks (CRP)
Depuis 17 ans, le Centre Rosa Parks accompagne des jeunes majeurs dans une approche dite "globale", intégrant les démarches liées à la formation, l’accès au logement, les droits sociaux, la santé, la citoyenneté, la culture et les loisirs.
Ce dispositif s’inscrit dans la continuité des missions de la protection de l’enfance, en lien avec la Collectivité Européenne d’Alsace, et s’adresse aux jeunes âgés de 18 à 21 ans, bénéficiaires d’un Contrat Jeune Majeur Insertion (CJMI), d’une durée initiale de 6 mois, renouvelable selon le projet du jeune.
L’accompagnement repose sur un projet personnalisé co-construit avec chaque jeune, dans une dynamique d’insertion sociale et d’accès progressif à l’autonomie. L’équipe est composée de quatre professionnels (travailleurs sociaux et éducateurs spécialisés), qui soutiennent les jeunes au quotidien.
L’hébergement est volontairement individuel, avec 25 logements diffus (studios ou T1) répartis à Strasbourg, Haguenau et Obernai. Cette organisation permet une mise en situation réaliste pour préparer l’accès à un logement autonome, tout en assurant une présence éducative régulière via des entretiens et visites à domicile.
Le CRP encourage la participation active des jeunes dans des actions collectives : ateliers d’information, activités de prévention, débats, sorties culturelles ou sportives, autant de leviers favorisant l’émancipation, la responsabilisation et le pouvoir d’agir.

Le Dispositif Baux Glissants Jeunes (DBGJ).
Co-financé par la DREETS Grand Est (Direction Régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et la Collectivité Européenne d’Alsace, le DBGJ facilite l’accès au logement de jeunes en insertion via une démarche d’intermédiation locative. Ce dispositif propose une phase transitoire qui vise à développer un « savoir habiter » et à acquérir les compétences nécessaires pour devenir locataire à part entière.
Avec une capacité de 20 places, le DBGJ s’adresse à des jeunes de 18 à 21 ans disposant de ressources, d’une autonomie suffisante, et ne présentant pas de freins administratifs (droits ouverts, éligibilité APL). Les jeunes sont orientés par le service intégré d’accueil et d’orientation du département.
Une fois intégrés, un contrat de sous-location est signé : l’AFND reste le locataire principal et le jeune devient sous-locataire pour une période de six mois maximums. Le contrat peut aboutir à un « glissement » du bail, si les conditions sont remplies (respect des engagements, règlement, autonomie dans la gestion du logement).
En 2024, 21 jeunes ont été accompagnés dans ce cadre, dans des logements individuels situés majoritairement dans l’Eurométropole de Strasbourg, issus à 75 % du parc social et à 25 % du parc privé.
David LOPEZ : L’inclusion dans le fonctionnement social est particulièrement délicate pour de très jeunes adultes. Comment cette question est traitée dans ton pôle ? Et comment abordez-vous la citoyenneté ?
Yasmina FERCHIOU : L’inclusion dans la société reste un défi majeur pour les jeunes que nous accompagnons, en particulier pour les anciens mineurs non accompagnés (ex-MNA), aujourd’hui en situation de jeunes majeurs étrangers. Beaucoup se trouvent en cours de régularisation ou avec des droits restreints, ce qui limite l’effectivité de leur citoyenneté au sens strict.
Notre rôle consiste alors à favoriser leur intégration progressive, en travaillant sur l’autonomie, l’insertion professionnelle, la connaissance des droits et devoirs, et l’ouverture culturelle.
En 2024, nous avons abordé avec les anciens MNA la question de la citoyenneté à travers un triptyque dont les deux premiers volets étaient consacrés l’un à la procédure de naturalisation par décret, l’autre à l’entretien de naturalisation et le troisième à une visite du Conseil de l’Europe.
Ces ateliers, tout en initiant les anciens MNA sur un mode ludique [cas pratiques, mises en situation, jeu de cartes] aux démarches concrètes à entreprendre pour effectuer leur demande de naturalisation, sont aussi l’occasion d’appréhender le droit de vote, les principes et les valeurs de la République, les notions de démocratie et de laïcité.
Il nous a semblé pertinent de conclure ces ateliers par la visite du Conseil de l’Europe afin d’ouvrir plus largement le débat aux questions relatives à l’égalité homme-femme, à la liberté d’expression, et de leur faire découvrir les missions de cette institution. La visite du Conseil de l’Europe a eu lieu le 22 mars 2024 avec 21 participants [6 accompagnateurs et 15 jeunes adultes]. Une visite à laquelle ont également participé des jeunes issus de l’Aide sociale à l’Enfance et à la suite de laquelle, un de nos jeunes a pris part à l’événement « Confiance en l’avenir » organisé du 14 au 16 mai 2024 pour marquer le 75ème anniversaire du Conseil de l’Europe.
Pour les jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), nous mettons en place des actions spécifiques :
- Interventions sur le droit du travail (CCI),
- Ateliers sur l’accès aux droits (juriste de l’association),
- Visites du Parlement européen ou local,
- Démarches administratives (Caisse d’allocations familiales, impôts, mobilité, code de la route).
L’objectif est d’accompagner chaque jeune dans une compréhension active de son environnement et des règles sociales, et de le rendre acteur de son parcours de citoyen.
David LOPEZ : Strasbourg est située dans la grande euro région. Les questions européennes sont-elles présentes dans vos actions pour les jeunes adultes ? Quels développements pourraient s'imaginer ? Sachant que l'inclusion sociale est une des priorités de l'Union Européenne dans le cadre des dispositifs Erasmus+ et Corps Européen de solidarité ?
Yasmina FERCHIOU : Même si à ce jour nos actions ne sont pas directement connectées aux programmes Erasmus+ ou au Corps Européen de Solidarité, la question européenne résonne fortement dans notre territoire et notre cadre d’action, d’autant plus à Strasbourg.
Cette année nous avons pour projet d’assister à une session plénière de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en octobre. Faire découvrir « in concreto » à nos jeunes majeurs anciens MNA ou issus de l’ASE le fonctionnement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est un formidable outil institutionnel pour apprendre la démocratie parlementaire en suivant les débats.
Outre cette visite, nous pourrions imaginer de faire participer d’anciens mineurs isolés à une réunion de la commission inter-gouvernementale sur les migrations. Cette participation pourrait s’avérer pertinente pour les deux parties. En effet, ces jeunes adultes pourraient d’une part témoigner de leur parcours migratoire, des obstacles rencontrés et des facteurs ayant favorisé leur intégration au sein de la société française et d’autre part, découvrir le fonctionnement interne du Conseil de l’Europe.
Nous pourrions aussi imaginer une rencontre avec nos jeunes résidents et la commission sur l’égalité ou autre que nous aimerions inscrire dans un projet de réflexions globales sur les questions de genre et qui pourrait aboutir à un événement marquant qui mettrait en lumière notre partenariat avec le Conseil de l’Europe sur cette question là.
Par ailleurs, le contexte transfrontalier et européen pourrait tout à fait nourrir des perspectives de développement, notamment en matière de mobilité des jeunes ou de projets partagés avec d'autres structures européennes travaillant autour de l’insertion, du logement ou de l’accompagnement éducatif.
Nous serions tout à fait intéressés pour explorer des pistes de collaboration ou de participation à des projets pilotes, à condition que les formats soient pensés de manière inclusive, en tenant compte des parcours souvent fragilisés des jeunes que nous accueillons.
L'accompagnement des jeunes majeurs, en particulier les plus vulnérables, demande une approche fine, souple et engagée. L’éducation des adultes, dans ce contexte, est une éducation à la vie autonome, à la capacité de se situer dans la société, d’y contribuer et d’y trouver sa place.
Notre mission quotidienne vise à créer les conditions pour que ces jeunes puissent croire à leur potentiel, s’affirmer dans leurs projets, et se construire en tant que citoyens libres, responsables et confiants en l’avenir.
David LOPEZ, expert EPALE France.
-> Pour information en images : https://www.youtube.com/watch?v=00DfbvdtWDM