Pourquoi nous avons besoin du Modèle social : Politique relative au handicap dans la formation et l'éducation des adultes


[Cet article a été publié en anglais, traduit en français par EPALE France].
Qui vous vient à l'esprit lorsque vous pensez au changement social inclusif dans l'éducation des adultes ?
Les migrants, les personnes défavorisées sur le plan socio-économique ou les personnes ayant un niveau faible d'alphabétisation ? Quels sont les obstacles à leur inclusion ? Nous avons tendance à tout mettre sur le dos des préjugés, de l'inégalité et/ou de la discrimination structurelle. Mais qu’en est-il de la vieille dame dans son fauteuil roulant ? Quels sont les obstacles à son inclusion ? Une rampe, un fauteuil roulant, une salle de bain accessible ou un ascenseur pour accéder aux salles de classe dans les étages supérieurs ?
Alors que les premiers exemples parlent de l'inclusion en termes de problèmes sociaux structurels, l'inclusion des personnes handicapées est souvent limitée par les barrières physiques, comme les escaliers. Nous sommes dans un état d'esprit qui associe les obstacles à l'individu plutôt qu'aux structures sociales à l'origine de l'exclusion. Nous restons focalisés sur la création de rampes, mais ce qui importe vraiment, ce sont les attitudes discriminatoires à l'égard de la dame âgée en fauteuil roulant. Pour une société équitable et durable, il est essentiel de mettre en œuvre un modèle social du handicap. Pour ce faire, les éducateurs doivent repenser la manière dont les personnes handicapées sont discriminées et comment créer des structures éducatives inclusives, pour tous les apprenants.
Pourquoi avons-nous besoin du modèle social ?
Commençons par la terminologie, en gardant en tête que le langage peut être un outil d'oppression. Quel est le contraire d’handicapé ? Valide, peut-être ? Parlez de « possibilité » plutôt que de « capacité » afin de révéler les éléments structurels. Alors que les personnes ayant des besoins particuliers sont systématiquement considérés comme invalides par la société, les citoyens valides sont privilégiés parce que la société leur donne la possibilité de participer pleinement aux différentes activités. Les gens ont des handicaps, mais ce sont les difficultés d'accès au monde qui les invalident. En adaptant notre vocabulaire, nous pourrons commencer à définir ce que les universitaires et militants appellent « le modèle social du handicap ». Selon ce modèle, le handicap n’est pas une anomalie physique ou psychique, mais les personnes sont en fait handicapées par une société de « validisme. »
« Le validisme désigne l'oppression du handicap, un système omniprésent de discrimination et d'exclusion des personnes handicapées. Comme le racisme, le sexisme et d'autres formes d'oppression, la discrimination fondée sur la capacité physique agit aux niveaux individuel, institutionnel et culturel pour privilégier les personnes temporairement valides et désavantager les personnes handicapées » (Griffin, Peters et Smith, 2007, p. 335).
Pourquoi le discours sur le handicap doit être politique
L'exclusion fondée sur les préjugés ou la discrimination structurelle est injuste dans tous les domaines d'oppression. Les personnes handicapées ont toujours été discriminées, séparées, enfermées, contrôlées et mises à l’écart. Pendant de nombreuses années, elles n'ont pas eu accès à l'éducation. Aujourd'hui, l’inclusion des adultes dans l'éducation est théoriquement possible, mais elle continue d'être limitée par les barrières socio-structurelles. La définition de la discrimination fondée sur la capacité physique nous montre à quel point les formes individuelles, institutionnelles et culturelles de discrimination sont liées et empêchent donc la pleine participation à de multiples niveaux. En ce qui concerne l'éducation des adultes, la discrimination ne se manifeste pas seulement par des préjugés interpersonnels dans les salles de classe, mais aussi par des normes culturelles et des structures institutionnelles qui font preuve de discrimination.
Au niveau des politiques, une analyse récente a révélé que « les politiques définissent et régissent les personnes handicapées comme un groupe qui ne remplit pas les conditions préalables fixées pour la formation tout au long de la vie » (Kauppila et al., 2018). Quelles que soient les caractéristiques de l’apprenant « adéquat » tout au long de la vie, les efforts d’inclusion dans l’éducation visent à instaurer une politique qui ne se limite pas à un groupe d'identité. Par conséquent, au lieu de se concentrer sur les individus, la politique d'éducation inclusive doit porter sur les arrangements sociétaux (Simons & Masschelein, 2015).
La validité n'est PAS un choix
Dans les publicités, sur les réseaux sociaux et dans notre vie quotidienne, on entend souvent que les gens sont « en mesure » de choisir leur corps, en le façonnant et en le transformant. Il est essentiel de comprendre, malgré cette image, que la validité n’est pas un choix. Le handicap physique n’est pas une épreuve à surmonter. Dans notre système éducatif, il est nécessaire de casser l’image du « corps normal » en tant qu'entité exploitable, définie par sa capacité à travailler et à fonctionner sur le marché (Mitchell & Snyder, 2015 ; Simons & Masschelein, 2015).
C’est en ce sens que l'éducation non formelle peut être utile. L'éducation non formelle met l'accent sur les compétences de la vie quotidienne et l'éducation civique avant l'employabilité, elle remet donc en question les structures inhérentes aux personnes handicapées. Toutefois, il ne suffit pas de prendre du recul et de s’interroger sur l'interaction entre le corps et le travail. De manière générale, la pratique de l'éducation en elle-même pourrait bénéficier d'une meilleure sensibilisation à la notion de handicap et aux moyens de démanteler les structures discriminatoires. Souvent, les apprenants handicapés sont considérés comme des personnes à plaindre, à améliorer ou même à réparer. Wendy Lu, une écrivaine handicapée, conteste ces « récits basés sur la guérison » et affirme que « les corps handicapés n'ont pas besoin d'être réparés, nous aurions plutôt besoin d'un remède contre le validisme » (Lu, 2019).
Quels sont les enjeux pour l'apprentissage et l'éducation des adultes ?
Les éducateurs d'adultes sont des acteurs essentiels du secteur de l'éducation. Ils façonnent les opinions et les attitudes de nombreuses personnes et peuvent donc faire une différence immédiate au sein de leur communauté. Des recherches plus anciennes ont montré que l'interaction des étudiants handicapés avec les instructeurs est l'un de leurs facteurs de réussite (Dallas, Sprong, & Upton, 2014 ; Hong, 2015).
Quelles actions pouvez-vous entreprendre au sein de votre établissement d'enseignement ?
« Handicapés par les comportements de la société. » Lors d'une rencontre avec une personne handicapée, vous n'avez pas besoin de savoir quelles sont ses déficiences (cela les médicalise). Intéressez-vous plutôt à ses exigences en matière d'accès. D'un point de vue personnel mais aussi professionnel, ce changement de perspective peut faire la différence.
La conception universelle est un exemple concret d'une approche qui vise à instaurer un climat d’enseignement sans obstacle. Les principes initiaux de la conception universelle comprennent l'utilisation équitable, la flexibilité d'utilisation, l'utilisation simple et intuitive, l'information perceptible, la tolérance à l'erreur, le faible effort physique, l'espace dédié à l'approche et l'utilisation (Mace et. al. 1997). Plus tard, la conception universelle de l'apprentissage, qui fournit de multiples moyens de représentation, d'action, d'expression et d'engagement, a été développée (Dallas, Sprong, & Upton, 2014). Les éducateurs ont donc recours à divers moyens pour motiver les étudiants, communiquer le contenu des cours sous divers formats et utiliser divers types d'évaluation, le cas échéant (Rose, Meyer, 2014). La mise en œuvre d'une pratique éducative conforme à la conception universelle demande plus de temps et d’efforts de planification, mais aussi une modification des attentes et de la collaboration.
Dans de nombreux pays, l'éducation des adultes pour les personnes handicapées se déroule dans des écoles spécialisées. Alors que nous passons d'une éducation formelle ségréguée à une éducation intégrée et maintenant inclusive, l'éducation non formelle a encore du chemin à faire. Utiliser les rampes d’accès comme point de départ d'une conversation sur l'engagement nécessaire en faveur de l'éducation inclusive pour tous est un premier pas dans la bonne direction. La conception universelle ne montre qu'une seule voie vers un monde dans lequel l'éducation est un droit et non un privilège.
Cet article est basé sur une conversation avec deux activistes de la justice pour les personnes handicapées, qui préfèrent rester anonymes.
Recommandation de film : Crip Camp (2020) Activisme en faveur de la justice pour les personnes handicapées aux États-Unis.
Bibliographie :
Connell, B., Jones M., Mace, R., Mueller, J., Mullnick, A., Ostrof, E., Sanford, J., Steinfeld E-, Story, M., Vanderheiden, G. (1997) The principles of Universal Design: Version 2.0 Raleigh, NC: The Center of Universal Design.
Dallas, B. K., Sprong, M.E., & Upton, T.D. (2014). Post-Secondary faculty attitudes toward inclusive teaching strategies. Journal of Re- habilitation, 80(2), 12-20.
Evans, Dominick (2020) www.dominickevans.com
Hong, B. S. S. (2015). Qualitative analysis of the barriers college stu- dents with disabilities experience in higher education. Journal of College Student Development, 56(3), 209-226.
Griffin, P., Peters, M. L., & Smith, R. M. (2007) Abelism curricular design. In M. Adams, L. A. ell, & P. Griffin (Eds.), Teaching for diversity and social justice (2nd ed, pp. 335-358). New York, NY: Routledge.
Kauppila, A., Kinnari, H., Niemi, A. (2018) Governmentality of disability in the context of lifelong learning in European Union policy. Critical Studies in Education 61: 5 (529-544).
Lu, Wendy (2021) wendyluwrites.com
Lu, Wendy (2019) „Disabled people don’t need to be fixed” Opendemocracy 19 March, 2019
Meyer, A., Rose, D.H., & Gordon, D. (2014). Universal design for learning: Theory and Practice. Wakefield, MA:CAST Professional Publishing.
Mitchell, D., & Snyder, S. (2015). The biopolitics of disability. Neoliberalism, able nationalism and peripheral embodiment. Ann Arbour: University of Michigan Press.
Simon, M., & Masschelein, J. (2015). Inclusive education for exclusive pupils: A critical analysis of the government of the exceptional. In S. Tremain (Ed), Foucault and the government of disability (pp. 218 – 228). Ann Arbor: University of Michigan Press.
Viedoklis
Es piekrītu šī teksta izvērstajiem argumentiem un secinājumiem. Daudzi civēki apzināti vai neapzināti diskriminē pieaugušo invalīdu iespējās izglītības jomā, tā atklājas ne tikai personu savstarpējos aizspriedumos klāsē, bet ir ievīta un manifestējas arī kultūras normās un institucionālajās struktūrās. Mums ir jāaceras, ka invaliditātes esamība nav izvēle. Izglītībai ir jābūt iekļaujošā attiecībā uz visiem. Es esmu ļoti pateicīgs par šo rakstu, kas man lika aizdomāties par diskriminējošo attieksmi pret invalīdiem, kuriem arī ir tiesības un vēlme izglītoties!