L’Année des compétences : la citoyenneté active, plus nécessaire que jamais

[Traduction NSS FR]
L’Année des compétences : la citoyenneté active, plus nécessaire que jamais
Cette première partie du triptyque L’Année des compétences s'intéresse à la citoyenneté active et à la valeur des compétences dans un monde en constante évolution.
On entend par « citoyens actifs » des individus qui sont non seulement intéressés par les préoccupations de leurs concitoyens et de leurs communautés, mais aussi et surtout qui prennent ces préoccupations au sérieux.
En 2023, la plateforme électronique pour la formation des adultes en Europe (EPALE) publie une série de trois articles intitulée « Time of Learning » au sujet des objectifs prioritaires de l’Année européenne des compétences. Dans cette première partie, nous évoquerons d'une part le rôle des compétences dans une société en perpétuelle évolution, et d’autre part la citoyenneté active à travers les notions de compétences, de confiance et de renforcement des sociétés démocratiques grâce à la formation des adultes.
En novembre, la Commission européenne a déclaré que 2023 serait l’Année européenne des compétences. Les cinq premiers mots de la déclaration en donnent toute l’essence : « Les transitions écologique et numérique ouvrent de nouvelles perspectives aux Européens et à l’économie de l’UE [...]. »
Les talents européens doivent acquérir les compétences nécessaires dans une société et une économie toujours plus numériques. Toutefois, au cœur de ces changements titanesques, nous devons laisser de la place à une citoyenneté consciente et responsable tandis que nous faisons face aux menaces de la montée du populisme, des dictatures et de la désinformation délibérée. Au regard de ces éléments, il apparaît que cette thématique des compétences ne recouvre pas seulement le renforcement des compétences professionnelles, mais également le développement de compétences citoyennes démocratiques. Par ailleurs, dans le cadre de la formation continue, le renforcement des compétences est aussi en grande partie liée au développement personnel.
Comment les Européens deviendront-ils les meilleurs en la matière ? Grâce aux professionnels de la formation des adultes. Ces derniers devront accomplir un travail conséquent car en termes démographiques, l’Union européenne est la plus ancienne des grandes zones économiques de la planète. Par ailleurs, l’attraction de talents non originaires de l’UE et leur intégration au marché du travail européen constituent le troisième objectif-clé de la Commission pour 2023. Cette orientation renforcera encore le besoin de formation des adultes et d'éducation à la citoyenneté.
Plus de financement pour le renforcement des compétences
Un sourire se dessine sur les lèvres d’Erno Hyvönen, planificateur de projets au sein du ministère finlandais de l’Éducation et de la Culture.
- Pour nous qui travaillons dans l’enseignement, chaque année est une année des compétences, explique-t-il.
En tant que coordinateur de l’Agenda européen pour l’éducation et la formation des adultes, Hyvönen salue le message porté par l’année thématique.
- Son message aux professionnels de l’éducation des adultes est simple : leurs besoins de financement seront couverts par l’UE, car celle-ci doit impérativement investir dans ce domaine.
Outre les programmes nationaux, le Fonds social européen (FSE), le fonds de relance NextGeneration EU , le programme de financement Erasmus+ et Digital Europe demeurent les principaux dispositifs de financement au sein de l’UE dans le domaine du développement des compétences. Par exemple, les projets qui promeuvent la citoyenneté active, l’inclusion ainsi que les transitions écologique et numérique dans le domaine de la formation des adultes sont prioritaires pour le financement du programme Erasmus+ durant la période actuelle du programme.
Ainsi, la thématique de l’année n’entraînera aucun financement supplémentaire en matière développement des compétences car le budget du secteur est déjà conséquent. Hyvönen exhorte donc les professionnels de l’éducation des adultes à se familiariser avec les canaux de financement et les contenus de la transition écologique et numérique.
- Il ajoute que les projets de transition écologique comprenant un volet de renforcement des compétences ressortiront certainement du lot auprès des bailleurs de fonds.
L’engagement fort de la Finlande dans le développement des compétences
En prenant un peu de hauteur, on constate que la Finlande est un élève modèle dans le cadre de l’Année européenne des compétences.
- Comme d’autres pays nordiques, la Finlande est très en avance sur le reste de l’Union en matière de politiques d’éducation des adultes. Ainsi, la vision nordique dans ce domaine a généralement plus d'influence sur l’UE que les recommandations européennes n’en ont sur nous. Au cours de son processus décisionnel, l’UE prend toujours en compte les moyennes entre les États membres, explique Hyvönen.
Il considère que l’identification et la validation des acquis de l’expérience font partie des atouts de la Finlande.
Cependant, les besoins de compétences des individus évoluent aussi rapidement que le contexte mondial. Ce dernier est caractérisé par une forte polarisation entre les grandes puissances et les citoyens des différents pays. Les technologies de communication sont le terreau des communautés de personnes de même opinion et de la diffusion non intentionnelle de fausses informations. Ainsi, il est crucial d’encourager les compétences de citoyenneté responsable et engagée.
La désinformation, plus grande menace pour la démocratie ?
Qu’est-ce qu'un citoyen actif et responsable ? Qui enseignera aux individus les compétences dont ils ont besoin pour atteindre cet objectif ? Se posent également les questions suivantes : qui définit la citoyenneté active ? Quelle approche le processus éducatif devrait-il adopter : individuelle ou descendante ?
Björn Wallén, président de l’Association finlandaise pour l’éducation des adultes (VST), s’est penché sur ces questions d’éducation civique pendant des décennies et voudrait élargir la définition d'un citoyen actif. Dans la citoyenneté démocratique, les institutions politiques servent de plateformes de participation, alors qu’un citoyen fonctionnel « s’active » à travers son engagement civique. Pour Wallén, l’auto-apprentissage et l’auto-formation font partie des caractéristiques de la citoyenneté active, tout comme la consommation : par exemple, refuser de consommer peut constituer un acte politique. Dans un contexte de crise climatique, se sentir concerné par la capacité de charge de la planète pourrait bien s’avérer fondamental pour devenir un citoyen actif.
- Il ne faut pas oublier que dans une démocratie, il y a aussi de la place pour la citoyenneté passive, qui représente également une forme de citoyenneté à part entière, souligne Wallén.
Pour lui, une vraie citoyenneté active ne peut émerger que du vivre-ensemble, et ne peut pas être dictée d’en haut. Dans un tel environnement, les désaccords sont inévitables.
- Adopter une vraie posture de citoyen actif mène inévitablement à un certain nombre de désaccords, mais dans un environnement caractérisé par un débat respectueux et des solutions constructives, il n’y a rien à craindre.
En réalité, pour Wallén, le concept de citoyenneté comprend l’idée d’une communauté saine, responsable et fondée sur la confiance mutuelle ; et les graines d'une telle attitude sont semées à la maison et à l’école, dès le plus jeune âge.
- Lorsque les individus font confiance à la société et à leurs concitoyens, ils sont en mesure d’entamer un débat constructif et respectueux qui fait avancer la société.
Les fausses informations, volontaires ou non, ébranlent la confiance entre les individus. C’est pour cette raison qu’elles sont plus dangereuses pour la démocratie que les désaccords.
La participation aux débats et la confrontation à la diversité constituent également les pierres angulaires de l’éducation libérale des adultes afin d’encourager la citoyenneté active.
- La raison d’être de la formation des adultes est de fournir des environnements d’apprentissage collectif dépourvus d'injonction à l’excellence, dans lesquels on peut être en désaccord et se livrer à des discussions constructives.
Les discussions « timeout » animées au sein des institutions d’éducation libérale des adultes constituent un bon exemple de renforcement de ces compétences.
L'intérêt grandissant pour le bénévolat
Polymorphe, le bénévolat est l'une des manifestations les plus visibles de citoyenneté active. Le bénévole est l’incarnation de l’idéal classique du citoyen actif, mû par un désir altruiste d'œuvrer pour le bien commun.
Un coup de fil à Kristiina Stenman, experte en développement du bénévolat à la ville d’Helsinki, nous révèle que dans la capitale finlandaise, de plus en plus d'individus s'intéressent au bénévolat. Les experts en bénévolat à Helsinki forment les bénévoles, rassemblent et diffusent l’offre et la demande dans le domaine et mettent en relation les bénévoles avec ceux qui ont besoin d’eux.
- Il nous apparaît que les gens sont prêts à aider leur prochain, et que les événements exceptionnels de ces dernières années ont permis aux citoyens de s’activer à cet égard. Nous pensons que le simple désir d’aider est suffisant pour que les individus s’activent, car c’est ce désir qui nous offre la raison d’être que nous recherchons toutes et tous, explique Stenman.
En tant qu’experte en bénévolat, quel est selon vous l’aspect le plus essentiel de la citoyenneté active ?
- Selon moi, si vous vous intéressez aux phénomènes qui vous entourent, si vous êtes capable de ressentir de l’empathie et de travailler avec les autres, et si vous voulez œuvrer pour le bien commun, alors vous êtes un citoyen actif, déclare-t-elle.
Ainsi, le bénévolat est l'une des nombreuses façons d’apprendre des compétences de citoyenneté active. En vérité, selon Stenman, l’opportunité d’apprendre constitue l’une des motivations les plus importantes pour s’engager.
- La dimension d’apprentissage est une motivation clé pour de nombreux bénévoles. Ils se disent : « je le fais aussi pour en apprendre plus sur moi-même, sur les autres et sur la société au sens large ».
Björn Wallén (VST ry) (Photo: Nina Ahtola), Erno Hyvönen (OKM), Kristiina Stenman (Helsingin kaupunki).
L’article en bref
- La Commission européenne a déclaré que 2023 serait l’Année européenne des compétences.
- Au cœur de cette année thématique se trouve la transition numérique et écologique. Dans ce but, l’UE met des fonds à disposition des professionnels de l’éducation à travers un vaste éventail de programmes de financement.
- La polarisation de la société, accélérée par la numérisation, requiert des investissements conséquents dans l’éducation à la citoyenneté.
- La confiance dans la société et la capacité à participer à des discussions constructives favorisent une citoyenneté active et pluraliste, tandis que la désinformation lui nuit.
- Les compétences de citoyenneté active peuvent s’apprendre de manière informelle au sein l’éducation libérale des adultes, mais aussi de manière formelle, dans le cadre du bénévolat et de la vie professionnelle.
Sources et lectures complémentaires :
Björn Wallén : Deep Bildung (en finnois) (VST, 2021)
Déclaration publiée par l’EAEA à l’occasion de l’Année européenne des compétences (en anglais)
Article dans Elm Magazine (en anglais) : The EU Year of Skills, opportunity or tokenism?
Kit de ressources EPALE : Révolution des compétences
Service d’assistance sur les financements de l’UE (en anglais)
Markus Palmén (Msc/BA) est journaliste indépendant, auteur et producteur. Il travaille dans le domaine du journalisme en ligne et du contenu audiovisuel. Après avoir été rédacteur en chef de la revue Elm (European Lifelong Learning Magazine) à la Fondation finlandaise pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, il a travaillé en tant que coordinateur thématique pour EPALE. Dans le monde de l’éducation, Markus s'intéresse tout particulièrement aux différents types d’apprentissage et à l’éducation libérale des adultes.