Innovation sociale et éducation des adultes
À l’heure où l’Europe fait face à des défis sans précédent – montée des inégalités, urgence climatique, fragmentation territoriale, perte de repères démocratiques, l’éducation des adultes se trouve à la croisée des chemins. Elle doit non seulement accompagner les individus dans leurs parcours professionnels, mais aussi contribuer à renforcer la cohésion sociale, la participation citoyenne et le pouvoir d’agir des personnes éloignées de la formation.
Face à ces enjeux, l’innovation sociale s’impose comme un levier puissant, souvent porté par des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), des collectifs citoyens ou des établissements pionniers de l’éducation populaire. Elle renouvelle la façon dont les politiques publiques s’élaborent, dont les citoyens participent, et dont les territoires se transforment.
Repenser les formats, les lieux et les postures
L’innovation sociale se manifeste d’abord dans la manière de réinterroger les cadres classiques de l’apprentissage. Il ne s’agit plus seulement de transmettre des savoirs descendants dans des lieux institutionnels, mais de proposer des expériences formatives ancrées dans le réel, adaptées aux rythmes, aux langages et aux aspirations des apprenants.
Dans certains territoires, des tiers-lieux éducatifs émergent, à l’intersection entre maison de quartier, fablab et centre de formation. D’autres projets favorisent l’apprentissage pair-à-pair : des adultes ayant vécu l’illettrisme ou la précarité deviennent formateurs de leurs pairs. Le théâtre, le sport, la cuisine ou la photographie deviennent des supports pédagogiques à part entière. Ces démarches participatives remettent l’expérience vécue au centre, valorisent les compétences informelles, et s’appuient sur des dynamiques de coopération plutôt que de compétition.
Exemple : un centre social propose des ateliers numériques animés par des jeunes en service civique auprès de retraités, dans une logique intergénérationnelle et inclusive.
Un ancrage local comme condition d’efficacité
L’innovation sociale ne naît pas dans un laboratoire déconnecté du terrain. Elle émerge au plus près des réalités vécues, en réponse à des besoins identifiés collectivement. Dans les quartiers prioritaires, les zones rurales ou les territoires ultramarins, les freins à l’accès à la formation sont multiples : mobilité, isolement, défiance institutionnelle, charge mentale… Les projets innovants prennent le temps d’aller à la rencontre des publics, d’instaurer la confiance et de bâtir des réponses sur mesure.
Ce travail d’ancrage implique souvent une coopération locale étroite entre acteurs : centres sociaux, missions locales, collectivités, structures de l’ESS, bibliothèques, hôpitaux ou maisons de santé. Ensemble, ils construisent des parcours d’apprentissage croisés, mêlant développement personnel, accès aux droits, et acquisition de compétences transférables.
L’ancrage local n’empêche pas l’ouverture européenne : des structures s’en servent comme point d’entrée pour expérimenter par exemple des projets, en adaptant les outils et les démarches à leur réalité de terrain.
L’innovation sociale bénéficie d’un soutien croissant de l’Union européenne, qui l’intègre comme un levier central de ses politiques :
- Le Socle européen des droits sociaux promeut des principes de justice sociale, de non-discrimination, d’accès aux services essentiels.
- Le Plan d’action pour l’économie sociale (2021-2027) reconnaît le rôle de l’innovation sociale pour construire des modèles économiques durables et solidaires.
- Les programmes Erasmus+, FSE+, EaSI, Horizon Europe, ou encore le programme Citizens, Equality, Rights and Values (CERV), soutiennent des projets innovants à forte dimension sociale.
Au-delà du financement, l’UE permet la coopération transnationale, la capitalisation des pratiques, la reconnaissance des compétences développées, et la mise en lien avec les priorités stratégiques européennes (Pacte vert, numérique, inclusion…).
Zoom sur Erasmus+ : un catalyseur pour faire rayonner l’innovation sociale
Le programme Erasmus+ agit comme un levier de reconnaissance, de structuration et de diffusion des innovations sociales. De nombreux projets KA2 (partenariats de coopération) s’en inspirent pour renforcer les compétences clés des adultes, créer des outils pédagogiques open-source ou professionnaliser les intervenants.
Les accréditations Erasmus+, de leur côté, permettent à des structures investies localement d’élargir leur horizon en envoyant leurs professionnels en mobilité sur plusieurs années pour observer d’autres modèles en Europe, se former à des méthodes innovantes, nouer des partenariats pérennes.
L’approche Erasmus+ valorise les dimensions inclusives, participatives, durables et numériques des projets éducatifs : autant de critères qui font écho aux principes fondamentaux de l’innovation sociale.
De plus en plus de projets européens s’appuient sur des méthodologies collaboratives comme le design thinking, la recherche-action, le co-développement ou la pédagogie du détour.
Une transformation systémique, pas juste un projet de plus
L’innovation sociale ne se réduit pas à une bonne idée ponctuelle ou à un projet pilote. C’est une manière d’envisager l’éducation comme levier de transformation sociale. Elle questionne les rapports au savoir, la posture des formateurs, les indicateurs de réussite, la place de l’apprenant… et parfois même la gouvernance des structures éducatives.
Elle invite à sortir des logiques descendantes pour construire des espaces d’émancipation, d’expression, de capacitation. Elle ouvre des marges de manœuvre face aux fractures numériques, aux discriminations, aux inégalités d’accès à la formation ou à la participation démocratique. Elle nous rappelle que l’éducation des adultes est aussi un enjeu politique et citoyen, et qu’il revient à chacun d’y contribuer.
Malgré son potentiel, l’innovation sociale reste trop souvent sous-financée et sous-valorisée. Pour renforcer son rôle à l’échelle européenne, plusieurs leviers doivent être mobilisés :
- Simplifier l’accès aux fonds européens pour les structures locales et les petites organisations.
- Développer des dispositifs d’évaluation de l’impact social, intégrant des indicateurs qualitatifs et participatifs.
- Valoriser les compétences acquises via ces projets (Youthpass, Europass, micro-credentials).
- Soutenir les réseaux intermédiaires qui accompagnent l’ingénierie de projet, la capitalisation, et le transfert d’innovation.
- Reconnaître la complémentarité des savoirs citoyens, associatifs et institutionnels dans la fabrique de l’intérêt général.
Investir dans l’innovation sociale, c’est investir dans la créativité des citoyens, dans l’intelligence collective des territoires, et dans la capacité de transformation du projet européen. Les projets soutenus dans ce cadre ont un fort pouvoir de mobilisation, de résilience, de changement. Ils répondent aux aspirations d’une génération qui souhaite agir, innover et construire autrement.
Et maintenant ? Pistes pour agir, partager et s’inspirer
- Vous êtes une structure locale et vous avez une pratique innovante ? Partagez-la sur EPALE, dans un article de blog.
- Vous cherchez de l’inspiration ? Explorez les projets Erasmus+ sur EPALE ou sur la plateforme de résultats de projets Erasmus+ rubrique "bonnes pratiques" : https://erasmus-plus.ec.europa.eu/projects
- Vous voulez monter en compétences ? Rejoignez des formations Erasmus+ pour les professionnels de l'éducation des adultes et candidatez à une accréditation ou pour commencer un projet de mobilité de courte durée.
L’innovation sociale commence souvent par une rencontre, un déclic, une envie de faire autrement. Et EPALE est là pour faire circuler ces idées, ces récits et ces énergies.
Commentaire
Entraide pour l’autonomie numérique des femmes et des jeunes.
Pour s'organiser, se déplacer, faire ses courses, voyager,.. les adultes et même les enfants des adultes en situation d'illectronisme sont un peu en difficultés.
Les associations identifient et proposent des aides selon disponibilités.
Pour les projets internationaux avec les partenaires surtout féminins, la communication est très difficile ( manque d'outils numériques, internet, formations, financement, de locaux pour se réunir)
La société civile identifie les besoins mais a du mal à mettre en place faute de formation et de moyen.
Le montage de projet est compliqué pour les adultes en situation d'illectronisme.
Les femmes et les jeunes cherchent leurs autonomie dans un monde où chacun est sur son portable.
Rethinking Adult Education
This text made me think deeply about the role of education in today's challenging times in Europe. I liked how it emphasised that adult education is not only about improving job prospects, but also about strengthening communities, encouraging civic participation and empowering marginalised groups.
The idea of changing how we teach by using community spaces, peer learning and activities such as theatre and cooking as educational tools really stood out to me. This approach feels much more human and relatable.
It’s also encouraging to see programmes like Erasmus+ supporting these changes, although it's clear that local initiatives still require greater recognition and funding.
Overall, I believe that this kind of approach is essential if we are to create a fairer and more inclusive society.